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La guitare dans tous ses états… Organologie, technique, accessoires, mains, handicaps, évolutions… Pour vos lectures d’été, je vous propose un dossier multicolore qui, telle une coupe transversale, offre une vision "à plat" et globale de certains aspects de notre instrument. Surprenants ou classiques, notoires ou objets de controverse, inattendus ou attendus avec impatience, tous ces sujets découlent des questions que m’a posées un lecteur, Maxime H (ce dont je le remercie) dans le cadre initial d’un travail de recherche sur le thème de "la main du guitariste". Cette coupe transversale nous permet de prendre la mesure des ressources déjà disponibles sur le sujet dans Guitare Live - et d’en faire une petite revue. Rien de tel pour avoir de belles méninges sur la plage, cet été…
1) Le plus important pour un bon guitariste, est-ce : son cerveau ? sa main ? sa guitare ? ses cordes ? Bien-sûr, il est presque banal - et pourtant indispensable - de répondre : tous ces éléments à la fois, sans distinction. Le plus important pour un bon guitariste est, précisément, sa capacité à faire la synthèse de ces éléments – et de certains autres, tels l’oreille, l’émotion, la culture. Mais détaillons les quatre éléments cités ici : Les cordes… La guitare… Beaucoup d’instrumentistes privilégient les caractéristiques sonores de l’instrument et négligent son confort de jeu. C’est une erreur qui explique le nombre étonnant de lésions de la main, de tendinites, crampes etc. que l’on constate de nos jours. J’ai été mis sur la piste de la "guitare la plus confortable possible" par le guitariste Emanuele Segre (voir mon article "Emanuele Segre", Guitare Live N° 18) Voici un extrait de cet article : André Stern : Il y a une dizaine d’années, tu as eu une influence décisive sur mon travail de luthier : tu es le premier à m’avoir parlé du confort de jeu comme d’un aspect primordial, à importance égale avec la sonorité… Emanuele Segre : Je connais beaucoup d’instrumentistes : la plupart d’entre eux, comme les sportifs de haut niveau, recherche le confort là où il est possible d’en obtenir - sauf les guitaristes ! Par exemple, tous les pianistes de concert exigent un clavier "sur mesure", Alfred Brendel n’acceptait jamais de jouer sur un clavier dont le réglage ne correspondait pas au gramme près à ses exigences. La plupart des guitaristes accepte cette aberration d’avoir à s’adapter à l’instrument ! J’ai plein d’élèves qui débarquent en cours avec des guitares Ramirez de haut prix qui sont proprement injouables ; je suis obligé de leur dire que leur guitare est trop difficile et rend impossible ce que je souhaite leur faire faire. Je cherche la sonorité ET le confort, la liberté
physique de faire de la musique. Je prends le contrepied de ceux qui disent qu’il faut des instruments durs pour "forcer" sa main et progresser. Ma main est normale, aussi forte que la leur, j’ai besoin de confort pour d’autre raisons… Emanuele Segre avec ma guitare en olivier à 7 cordes Parti, suite à cette prise de conscience, à la recherche de la guitare la plus confortable possible, j’ai fait diverses rencontres étonnantes, remis en question pas mal de préjugés et exploré diverses voies – dont certaines se sont avérées des impasses. Aujourd’hui, je peux dire que je sais à quoi doit ressembler une guitare qui allie de grandes qualités sonores à un grand confort de jeu. Mes mains m’en remercient tous les jours. J’ai souvent entendu dire : "c’est trop facile avec cette guitare, elle joue toute seule !" Cet argument me parait totalement absurde dorénavant… un pilote de Formule 1 ne roulera pas moins vite si sa monture est confortable, bien au contraire. Lorsque j’hésitais encore, mon ostéopathe (voir mon article "Se faire craquer les articulations ?", Guitare Live N°23) acheva de me convaincre par cette phrase : "écoutez, André, construisez-la, cette guitare qui joue toute seule, et vous me la confierez, à moi qui ne sais pas jouer, comme ça, je ferai des concerts !" Les mains… Toutes ces qualités, innées ou acquises, sont grandement amplifiées par la mise en pratique d’un profond respect physio-logique (notez le trait d’union), d’une grande attention à la posture et à l’échauffement, d’un minutieux travail de recherche portant sur tout ce qui permet d’éviter que la guitare soit une contrainte. Car il n'est, en aucun cas, naturel de jouer d'un instrument de musique, et l’on doit, pour ce faire, obligatoirement coloniser ses deux mains. Et pas seulement ses mains ! Tout le corps doit être concerné par ce travail et par cette nécessité de respect et de logique : les doigts sont l’outil final. Trop souvent négligée, surtout au quotidien scolaire, cette attitude permet, elle aussi, d’éviter la plupart des tendinites, des crampes et des autres lésions de la main. La guitare est le seul instrument sur lequel le son se construit des DEUX mains simultanément (le piano intercale des touches et des marteaux entre les doigts et les cordes, le violon se joue avec un archet, la harpe se joue avec dix doigts mais sur des cordes à vide, etc.) Cette caractéristique unique nous offre la possibilité de modeler, de pétrir du bout des doigts l’intégralité de la matière sonore. Cette possibilité devrait être considérée par chaque guitariste comme une mission prioritaire. Je cite mon maître luthier, Werner Schär (voir mon article "Werner Schär, l’homme qui murmure à l’oreille des guitares", Guitare Live N°12) : "…je peux dire à tous ceux qui jouent de la guitare : joue chaque son avec tout ton cœur. Un son qui ne découle pas de ton sentiment n’est rien d’autre qu’une fréquence sonore." Mais, là aussi, tout le corps est mis à contribution : oreille, cerveau, nerfs, muscles, doigts… sans parler des propriétés de la guitare et/ou des cordes, qui peuvent, par leur nature, rendre cette recherche plus ou moins faisable. C’est dans cette optique double (travail sur la matière sonore ET travail technique physio-logique) que j’ai mis au point ma Série Amidala (Guitare Live à partir du N°11), initialement développée à mon usage personnel - car il me fallait un cursus compact et "portable" pour m’échauffer et m’entretenir sans faille en toutes circonstances, en une heure environ. J’ai fait valider cette Série par des praticiens de la méthode Pilates et de la méthode Feldenkrais, ainsi que par une danseuse et un ostéopathe, afin de m’assurer qu’elle respecte les lois du corps et qu’elle ne comporte aucun hiatus ou exercice délétère. Le cerveau… |