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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 28Le sillet de tête sur une guitare classique

Le sillet de tête sur une guitare classique

Ces réglages qui font la différence…

Mais la matière du sillet ne suffit pas à faire sa qualité. Un sillet en plastique bien réglé sera meilleur qu'un sillet en os mal fichu (conjuguer matière de qualité et réglages parfaits restant évidemment l'idéal sur le chemin de l'excellence)

Avant de décrire précisément les réglages les plus pointus, je tiens encore à parler de deux "détails" primordiaux :

  • Contrairement à ce qui se passe en gammes moyenne et basse pour camoufler les diverses imprécisions, le sillet de tête ne doit pas être collé ! Il doit être précisément (mais pas trop étroitement) tenu, et pouvoir circuler de manière perpendiculaire à l’axe de la guitare (donc parallèlement aux frettes)


  • La précision de son appui dans le fond de son sillon fait la qualité d’un sillet. Cela implique qu’aussi bien sa propre base que la surface sur laquelle il est fortement appliqué par la pression des cordes soient parfaitement planes et jointives.
    Une bosse, un petit creux de part ou/et d’autre, même microscopiques, vont immanquablement ruiner tous les efforts faits par ailleurs. Les côtés du sillet devraient également être enserrés avec précision (mais, je le répète, sans "coincer"), même si cela n’a pas la même importance que l’intimité entre le sillet et son fond…

Il existe toutes sortes de configurations dans l’environnement du sillet de tête, mais la plus classique est également la plus répandue : le sillet prend appui sur la surface supérieure du bois du manche, il est tenu d’un côté par l’épaisseur du placage de tête et de l’autre par l’épaisseur (plus grande) de la touche - qui, tous deux, sont collés sur la même surface supérieure du bois du manche.

La configuration qui néglige de retenir l’arrière du sillet par l’épaisseur du placage de tête induit un phénomène de basculement totalement délétère :

Pour finir ce tour d’horizon, je me dois de signaler l’existence d’une frette "zéro"… située juste après le sillet de tête, elle est censée prendre en charge tous les rôles qu’il assure normalement – et le dispenser de précision. Cette solution de facilité a été maintes fois tentée, mais jamais définitivement adoptée en classique (ce n’est quand-même pas par hasard que des générations et des générations de luthiers, qui réfléchissent et cherchent sans cesse, en reviennent toujours au sillet de tête !) Les avantages de cette frette "zéro" ne sont pas avérés, tandis que ses inconvénients sautent aux yeux (et aux oreilles) : altération du timbre (qui devient métallique, preuve que le sillet de tête colore le timbre entier de l’instrument), vibrations parasites, cordes baladeuses…

Enfin, je tiens à signaler l’inutilité du pseudo-test de qualité du sillet de tête qui consiste à écouter la différence de sonorité entre la 5ème corde à vide et la 6ème corde frettée à la 5ème case (donc produisant la même note "la") ou entre la 5ème corde jouée à vide et frettée quelque part : si l’on frette une corde, on percevra automatiquement davantage sa différence de hauteur que la qualité de son timbre. Frettée dès la première case, la corde paraîtra si différente à nos oreilles que nous ne pourrons pas juger si la différence entre "1" et "0" est due à la hauteur de la note ou à la qualité du sillet. Ensuite, la 6ème corde frettée à la 5ème case ne peut en aucun cas avoir le même timbre que la 5ème corde à vide. Là aussi, il est difficile de déterminer à quel facteur attribuer la différence de timbre (diamètre, matière, longueur de la corde, sillet, chevalet), mais il est évident qu’il est rigoureusement impossible de la considérer comme un signe de la qualité du sillet lui-même. Et si le son à vide est meilleur que celui fretté, cela ne veut pas forcément dire que le sillet est bon, mais peut-être que la frette est mauvaise ! (on pourrait consacrer un article entier à l’importance des frettes, de leur matière, de leur profil, de leur "enserrement" dans la touche…)

Voyons en détail ces fameux réglages…

Voici une petite illustration de la configuration que l'on rencontre le plus souvent :

Pour pouvoir voir le placement de la corde au fond de son sillon - car c'est là que "ça se passe" - nous allons, pour l’illustration, "faire tomber" les joues de ce sillon, ce qui donne cette vue :

Notons tout de suite que ce positionnement n'est pas correct : l'angle qui arrête la vibration de la corde se situe après le point où commence le diapason (la partie vibrante de la corde, qui, sur l’illustration présente, commence juste à l’aplomb du coin supérieur droit du sillet) La vibration continue donc dans toute la longueur du sillon, créant des parasites et des pertes de son :

Il y a bien-sûr pire - et c'est hélas très fréquent :

Tout d'abord, le diapason commence en-deçà du point d'où il est censé partir (quelque part en plein milieu du sillon), créant un problème de justesse. Comme si cela ne suffisait pas, la zone verte de la vue suivante montre qu’il y a amplification du phénomène de parasitage ; la corde, dans son mouvement de vibration circulaire, touche les bords évasés du sillon :

Il y a des cas encore plus graves :

C’est-à-dire, en ajoutant la visualisation (en vert) du parasitage :

(Création et amplification de parasites et pertes de son des deux côtés…)

Voici, bien-sûr schématisée, la configuration idéale :

On voit ici que le changement d'angle - qui stoppe net la vibration de la corde - se situe précisément au point d’où commence le diapason. Cela assure justesse absolue et absence de parasites. Quand on sait l’importance de cette configuration, on se demande pourquoi tous les sillets ne sont pas réglés ainsi d’origine…

Publié dans le magazine N° 28 de Mai 2007


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