Voici une autre vue schématique du sillet, cette fois vu comme
si l'on se tenait debout sur la touche (merci PhotoShop !)
Cette configuration-là, hélas également très
fréquente, est néfaste pour le son, car la corde, engoncée
dans un sillon trop profond, génère des parasites (parties
vertes sur la vue ci-dessous)
Le pire étant évidemment ceci :
Et voici l'idéal, auquel il est facile de veiller :
Pour finir, voici deux illustrations.
Un mauvais exemple : les cordes sont branlantes dans des sillons
en entonnoirs multidimensionnels…
Une vue du sillet d’une F1. On voit que le fond du sillon est oblique
et droit, mais que les joues en sont arrondies – par pur souci esthétique :
(vous aurez remarqué que ce sillet est composé de 6 morceaux
séparés les uns des autres : c’est une manière
possible de limiter au maximum les phénomènes de transmission
de vibration d'une corde à l'autre)
Sous-estimer l’importance du sillet de tête serait une erreur…
Cela équivaudrait à penser que l’état des
pneus arrière d’une voiture n’a aucune importance si
les pneus avant sont bons…
Voici une petite liste, non exhaustive, des points sur lesquels le sillet
de tête a une influence notable :
- La vibration résiduelle entre le point de frettage et le sillet
de tête (surtout si le frettage est loin de la tête) :
Si cette vibration résiduelle n’est pas correctement maîtrisée,
elle engendre des parasites qui vont du son imperceptiblement "voilé"
à la grosse frise parasite. Principales origines possibles :
sillon trop bas, matière incorrecte (métal)…
- La transmission de cette même vibration résiduelle, mais
maîtrisée, à la tête, donc au manche (la tension
entre le point de frettage et le sillet de tête reste très
forte) :
Cette transmission est l’un des éléments qui caractérisent
le timbre et le "sustain" de l’instrument (le manche étant
un élément sonore de l’instrument assurant la difficile
cohérence entre la vibration venue de la table ET celle que lui
imprime le sillet de tête)
Si cette transmission est mal assurée (matière, angle et
profondeur des sillons), le timbre est altéré par des fréquences
contradictoires engendrant des pertes de puissance.
- La transmission, l’entretien et l’amplification des vibrations
"sympathiques" d’une corde à l’autre :
A part pour un barré, on ne frette jamais toutes les cordes à
la fois ! Même lorsque nous ne jouons, à droite comme
à gauche, qu’une seule corde/note, nous remarquons que toutes
les autres cordes vibrent par sympathie et créent la tonalité
particulière de la note et le timbre caractéristique de
l’instrument. La vibration (sympathique ou par pincement à
droite) des cordes à vide a lieu entre les deux sillets, mais le
sillet de tête doit gérer la vibration des cordes à
vide ET celle des cordes frettées. Un sillet "étouffoir",
en dehors de créer des inégalités entre les cordes
à vide et les cordes frettées, altère toutes les
sonorités, puisque la vibration sympathique n’est pas maîtrisée.
Je répète les points auxquels il faut veiller : contact
parfait entre le fond du sillet (qui doit être parfaitement lisse
et plan) et le bois du manche/de la touche/de la plaque de tête,
qualité de la matière du sillet, profondeur, angle et lissage
des sillons…
- Un sillet trop haut rend le jeu à gauche très inconfortable.
De plus, en accroissant le chemin que la corde doit parcourir pour se
baisser jusqu’à la frette, donc en modifiant davantage son
élongation, il pose un problème de justesse.
- Un sillet aux sillons "accrocheurs" empêche la corde
de circuler librement lors de l’accordage.
En dehors des craquements caractéristiques et de l’éventuel
cisaillement des cordes en nylon, cette manière d’accrocher
la corde et de la lâcher par petits à-coups lorsque la tension
devient trop forte ne permet jamais de toucher et de conserver avec précision
le point où la corde est juste. Beaucoup de guitaristes désespérés
de ne jamais réussir à accorder leur guitare (toujours un
poil trop haut, un poil trop bas…) souffrent tout simplement de
ce phénomène… Solution : ponçage/polissage
du fond du sillon…
Pour terminer ; une anecdote significative... Il y a quelque temps,
j’ai achevé les finitions d’une guitare très
attendue. L’impatience de l’entendre sonner devenant presque
insoutenable, j'ai sciemment hâté le pas sur les dernières
opérations afin qu'elle "sonne" au plus vite. J'ai donc
fait les sillons du sillet de tête aussi vite que possible, donc
horizontaux (parallèles au plan du manche) J'ai également
attrapé un sillet de chevalet standard qui trainait là...
Résultat : instrument magnifique mais aigües un peu
ternes, comme voilées... je savais bien d'où cela venait
(en dehors de l’absence de rodage)
Dès le lendemain matin, la hâte étant retombée,
j'ai retravaillé le sillet de tête : fond des sillons
polis, mais, surtout, angle corrigé (plongeant vers la tête)
Et ?... eh bien le son n'était plus du tout voilé,
mais parfaitement clair.
Ensuite, j'ai remplacé le sillet de chevalet en matière
synthétique par un congénère en os de qualité
"Formule 1", que j’ai pris le temps de faire à
la main, avec tous les angles ad hoc…
Et les aigües sont devenues brillantes et puissantes...
Édifiant, non ?
(…oui, je sais… un prochain article sera consacré au
sillet de chevalet !)
En attendant, ce dossier en main, jetez donc un œil sur votre sillet
de tête et tenez-moi au courant…
Textes et illustrations :
© André Stern, a.k.a. Amidala, Guitare Live, avril 2007
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