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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 28Le sillet de tête sur une guitare classique

Le sillet de tête sur une guitare classique

Le sillet de tête sur une guitare classique

Certains d'entre vous ont déjà lu, ici et là, divers de mes écrits au sujet du sillet de tête… Voici LE dossier complet qui réunit toutes ces informations éparses – et en apporte de nouvelles...

 

Dans l'ensemble des facteurs déterminant la cohérence finale de notre instrument, le sillet de tête, cet objet de quelques centimètres et de quelques grammes, tient un rôle bien plus important qu'on ne l'imagine. Et cela, quel que soit le type de guitare (classique, folk, électrique, jazz...)

Au même titre que pour les cordes (mon article "Cordes : ne pas perdre le fil", Guitare Live N°26), s'il est vrai qu'un mauvais sillet parvient tout bonnement à ruiner la meilleure des guitares, un sillet réalisé et ajusté dans les règles de l'art peut, en revanche, considérablement améliorer le son et le confort d'un instrument (sans perdre de vue, toutefois, qu'il restera impuissant face à un instrument vraiment raté)

Comme j'ai souvent eu l’occasion de le souligner, ces réglages auront un résultat d'autant plus frappant que l'instrument sera raffiné. Pour utiliser ma métaphore préférée… certains réglages seront décisifs sur une Formule 1 pour un pilote de pointe, mais pourraient n’avoir aucune incidence sur le comportement d’une Golf GTI (ceci dit, même la Golf s'en trouvera beaucoup mieux…)

Le sillet de tête (je consacrerai un prochain article à son cousin, le sillet de chevalet…) fait partie depuis toujours des éléments constitutifs de notre instrument - et de son ancêtre la vihuela (voir mon article "La Vihuela", Guitare Live N°19)

L’iconographie des époques antérieures néglige généralement de donner des détails concernant le sillet de tête, mais toutes les vihuelas et guitares qui nous sont parvenues possèdent un sillet en bois ou en os.

Voici le sillet, qui n’est probablement pas d’origine, de la vihuela "Chambure" conservée au Musée de la Musique à Paris :

(les rainures nous indiquent que cet instrument comportait, dans sa dernière configuration, 6 chœurs)

 

Matériaux

L’ivoire, qui fut, pendant longtemps, très apprécié pour la construction des sillets, est aujourd’hui fort heureusement banni - de toute manière, ses propriétés sonores ne sont pas vraiment différentes de celles de l’os de bonne densité et de belle qualité.

L’os est la matière la plus utilisée de nos jours dans la construction des guitares haut-de-gamme.

Le plastique est omniprésent en bas de gamme.

Par ailleurs, divers matériaux synthétiques sont explorés de nos jours, et correspondent à d’indéniables évolutions. Très intrigué par les louanges entendues au sujet des sillets en matière composite commercialisés par la marque Tusq, par exemple, j’ai mené, avec mon maître luthier Werner Schär (mon article "L’homme qui parlait à l’oreille des guitares", Guitare Live N°12) quelques tests intéressants :

La première chose frappante, c’est tout simplement le timbre de ces objets lorsqu’on les fait sonner (par exemple en les heurtant l’un contre l’autre) Un sillet composite sonne comme un bout de verre, un sillet en os (de la meilleur qualité) produit un son tendre et mat. Il y a également une grosse différence de poids et de densité entre les deux matériaux.

Il s’avère que la pratique confirme l’intuition. Un sillet composite agit surtout sur la projection : le son devient plus percussif, plus agressif. C’est, à peu de choses près, le même effet que celui des cordes "carbone" par rapport aux cordes "traditionnelles".

Il est, bien évidemment, totalement impossible de définir si cela est "mieux" ou "moins bien", car c’est, non seulement, une question de goût, mais, également, de jeu (avec ou sans ongles, par exemple) et, surtout, de guitare. Il faut faire converger tous ces paramètres pour obtenir un résultat idéal - donc spécifique à chacun. Je ne le répèterai jamais assez : il n’y a pas de recette universelle dans ce domaine, et ce qui convient à l’un peut, tout aussi légitimement, en épouvanter un autre. Seuls comptent les essais individuels !

En ce qui me concerne, par exemple, je préfère nettement la rondeur tendre de l’os… la puissance naturelle de ma guitare fait le reste. Au passage, nous constaterons, ici aussi, ce phénomène étrange : la différence entre ces matières est bien plus audible sur une guitare de Formule 1 que sur une guitare de gamme moyenne…

En revanche, il y a une différence qui s’entend dans tous les cas : celle entre du plastique basique et de l'os travaillé à la main. En remplaçant un sillet en plastique (de plus, souvent creux, donc vecteur de parasites) par le même en os, on remarquera une nette amélioration de la précision sonore.

 

Publié dans le magazine N° 28 de Mai 2007


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