Suivez-nous :

Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 11Michel Yves Kochmann, le guitariste de Souchon & Cie

Michel Yves Kochmann, le guitariste de Souchon & Cie

Tu m’as dit que lors de l’enregistrement de cet album, on t’a laissé « Koshmanniser » les guitares. Ca a l’air d’être une sorte de victoire ?
C’était pendant un enregistrement avec Laurent Voulzy. Michel Curio m’a dit qu’il enregistrait les maquettes pour le prochain album d’Alain et qu’il aimerait que je bosse dessus. Il y avait « L’amour à la machine », « Voir sous les jupes des filles » et « Foule sentimentale ». C’était des versions un peu « désincarnée » d’Alain sur une guitare mal accordée, et déjà c’était énorme. Pour citer une anecdote, sur « L’amour à la machine », je me rappelle qu’on avait essayé plein de trucs. Alain voulait une guitare lead, j’ai une version où y’a même de l’accordéon et des percus africaines. Un jour, j’avais un Dobro dans un coin, je me suis dit que j’allais essayer de faire un truc avec. Donc, on fait une prise. A la fin, je dis que je la recommence car je n’étais pas satisfait de la partie. Et là Michel Curio me dit que je faisais ce que je voulais, mais qu’il gardait cette prise-là. Et c’est là l’intelligence de la production de Michel, c’est qu’il arrive vraiment à capter les choses. Et c’est vrai que ce moulinet avec le Dobro, ça correspondait bien à cette image de machine qui tourne. C’est un peu comme la partie orientale de « c’est déjà ça ». J’ai dis que je savais jouer du oud, c’était absolument faux…on m’en avait prêté un, je l’ai accordé à ma manière et j’ai joué en apportant ma touche. J’ai vraiment l’impression que les parties de ses chansons, en quelque sorte, m’appartiennent. Et pour revenir à ta précédente question, je pense que c’est ce qui explique cette fidélité entre Alain et moi.

Entre scène et studio, le cœur des guitaristes balance souvent, avec sans doute une préférence pour la scène et le contact avec le public. C’est ton cas ?
Les deux apportent des choses différentes. Quand on me pose la question en master class, je compare souvent ça à la différence entre un acteur de cinéma et un acteur de théâtre. Quelque part, quand on est sur scène, on n’a pas de deuxième chance. Et en même temps, on a une sorte de feedback immédiat de la part du public. Si on envoie un truc du fond du cœur, en général les gens le sentent aussitôt. Quand on est en studio, c’est comme un acteur de cinéma. On peut recommencer, peaufiner. Il faut être conscient qu’on doit provoquer une émotion à un instant donné, il faut être très précis dans les intentions.

Des anecdotes de scène t’ont marqué ?
Des anecdotes, j’en ai plein. Je me rappelle de la première de Birkin au Casino de Paris, c’était juste après la mort de Serge Gainsbourg. Elle avait une telle panique sur scène, elle est toujours très paniquée sur scène, moi aussi ! Mais il faut arriver à transformer ça en une sorte d’énergie. Donc je me rappelle d’un morceau, d’ailleurs assez mineur de Jane, qui s’appelle « Litanie en Lituanie » et sur lequel je jouais un solo. Et ce jour-là, perméable au trac de Jane et à toute cette pression, j’ai joué mon solo et, chose rare, toute la salle a applaudi. Pourtant, c’est vraiment pas le trip des concerts de Jane, mais il y avait quelque chose, une émotion qui était passée. Parfois en concert, quand on joue avec des musiciens qu’on aime bien, on a l’impression, et on le sent tous, que la scène monte de deux mètres. Pour donner une image, dans ces moments, ça me donne l’impression qu’on a tous un fil au-dessus de la tête et qu’on est relié à la même chose.

A l’inverse, tu as sans doute vécu des moments où tu aurait préféré être ailleurs que sur scène.
Bien sûr, avec des pains, des choses pas en place. Le matos peut même s’en mêler. Je me rappelle d’un soir, toujours en tournée avec Jane, c’était pour le premier rappel on jouait la chanson « amour défunte ». Ca commençait avec une grosse note grave de synthé, j’entrais tout seul sur scène et je jouais un solo avec, aux lumières, la poursuite sur moi. Et ce jour-là, j’entre sur scène, je commence le solo et là, aucun son, rien qui sort ! Il faut m’imaginer, seul sur scène avec le projo sur moi et m’agitant pour essayer de comprendre ce qu’il se passait, le morceau qui démarre sans moi. C’était vraiment ridicule. Je me suis aperçu après coup qu’en prenant ma guitare, j’avais éteins un des éléments de ma chaîne et donc le son était coupé. C’est vrai que ça arrive souvent, ce genre de chose. Un jour, pendant la tournée des Enfoirés, je me suis retrouvé dans le bus à coté de Jean-Jacques Goldman, et il m’a dit un truc très drôle : « Michel Yves, on sait que vous jouez bien, ça je m’en fous, mais ce qui me sidère c’est…comment faites-vous pour rattraper toutes les conneries qu’on fait ? ». Et c’est vrai que pendant la tournée des Enfoirés, il a fallu souvent rattraper à la volée toutes les conneries de chacun. En fait, quand quelqu’un se plante en live, il y a une sorte de solidarité qui consiste a essayer de rattraper le truc tout de suite. Et comme disait Jean-Jacques, c’est un peu à celui qui aboie le plus fort. En fait, on doit prendre une décision très vite, et c’est celui qui sera le plus lisible finalement qui sera suivi.

Tu as aussi travaillé avec certains « Star’ Académiciens » ainsi que pour l’émission « A la recherche de la nouvelle Star ». Tu es un musicien professionnel, qui a percé grâce à son travail et son mérite, alors que la télé-réalité valorise une ascension rapide, pas toujours justifiée. Que penses-tu de ce phénomène ?
Pour la Star ac’, je vais être sincère, j’ai fait des guitare pour l’album de Georges-Alain et je suis également très copain avec Jeremy Chatelain, mais à vrai dire, je n’ai jamais regardé l’émission Star Academy. Par contre, c’est différent pour « A la recherche de la nouvelle star », où j’ai participé à toutes les saisons live. Pour être tout à fait franc, quelque chose me gène. Pour moi, c’est déjà un non sens de croire qu’on peut médiatiser des gens avant qu’ils n’aient enregistré quoi que ce soit. En plus, on fait croire qu’on peut devenir un artiste en trois mois. Ce qui est pour moi la plus grosse erreur. En même temps, au début, je rejetais complément ce système. Mais je me suis rendu compte qu’il y avait au milieu de ça des gens très doués. Et pour ces personnes très douées, cette exposition médiatique doit être très profitable. En même temps, quand l’artiste essaie de sortir quelque chose de personnel, il part avec un handicap, il a une étiquette. S’il veut faire autre chose que la musique qui l’a fait découvrir au grand public, ça va vraiment être très dur. Je pense notamment à Steve Estatof, qui a gagné la deuxième saison de la Nouvelle star. Je le connais très bien, et j’ai travaillé sur son album. Ce mec, je l’adore. C’est un pur rock n’roller. Mais en même temps, il a maintenant un problème d’image. Parce que les gens qui vont acheter d’emblée son album sont des clients de la Nouvelle star, mais pas de sa musique. Et à l’inverse, les gens qui seraient clients de sa musique rejettent en bloc le personnage à cause de son passage à la Nouvelle star. Après, les artistes se trimballent une image qui peut ne pas leur coller. Certains artistes s’en sont bien sorti. Notamment Jennifer. Maintenant, quand on parle de Jennifer, on ne pense plus du tout à la star Ac’. L’autre grand problème avec ce phénomène de médiatisation et de télé-réalité, c’est que ça a aussi bouché tout le reste. C'est-à-dire que les maisons de disque se retrouvent avec des intouchables, comme Goldman, Souchon et Hallyday. Et d’un autre coté des gens de Star ac, Nouvelle Star, Pop Star et compagnie. Et au milieu, il existe une masse de gens qui n’ont plus la possibilité d’exister dans le marché actuel.
Donc je ne critique pas le choix des chanteurs qui passent par ces chemins-là. Pour travailler dans le milieu musical, je vois bien que c’est de plus en plus difficile de sortir quelque chose. C’est pour ça que je comprends la décision de participer à ces émissions.

La Star Ac ne laissera pas forcément d’album dans l’histoire. Si tu devais vivre sur une île déserte, quel album emporterais-tu avec toi ?
Question difficile. Je pense que ça serait « Exile on main street » des Rolling Stones.

Et si ça devait être un de tes instruments ?
En fait, je ne me déplace jamais avec une seule guitare quand je vais jouer. Je prends toujours une guitare accordée normalement et une guitare en open tuning. C’est pour moi deux langages différents. Pour la guitare accordée normalement, ça serait ma Strat relic et si j’emmenais un guitare en open tuning…ce serait la Gibson Les Paul junior ‘60 ou ma Telecaster « blonde ».

Tu es un fan de matos ?
Oui, j’adore ça ! De plus, j’ai renoncé depuis longtemps à rechercher la guitare « ultime », celle avec laquelle je pourrais tout jouer.

Pas mal de guitaristes avancés parmi ceux de notre communauté voudraient devenir professionnel. Tu aurais un conseil pour eux ?
Je dirais déjà qu’il n’y a pas de moment où l’on passe professionnel. Parce que le jour où on se dit « j’y suis arrivé », à mon avis faut arrêter la musique, parce que ça ne sera plus la peine.

Tu penses qu’il y a encore la place pour de nouveaux arrivants ?
Ben j’espère. J’espère surtout que le marché de la musique va se réinventer une manière de fonctionner. On parlait de ces histoires de télé-réalité, je trouve que le marché est assez grippé, et que les maisons de disque ont du mal à signer. Je ne vais pas faire de cliché à deux balles, les maisons de disques sont aussi muselées par de grands groupes. Il ne faut pas hésiter à avoir des idées, aussi saugrenues soient-elles pour essayer de réinventer un système.

Le site de Michel-Yves Kochmann :
http://www.myk.com

Publié dans le magazine N° 11 de Novembre 2005


Voir le magazine