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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 22Steve Hackett, classique et rock à la fois

Steve Hackett, classique et rock à la fois

Steve Hackett, classique et rock à la fois

Steve Hackett, l’ancien guitariste de Genesis qui a fait les belles heures de la période progressive du groupe, a toujours développé au cours de sa carrière solo ses passions pour le rock et pour la musique classique. Avec son nouvel album, Wild Orchids, l’Anglais fusionne son rock élaboré avec des arrangements classiques exécutés par The Underworld Orchestra, déjà présent sur Metamorpheus, son précédent disque. Si l’on peine à vibrer autant que par le passé sur Wild Orchids, quelques belles surprises s’y glissent tout de même comme la reprise de The Man In The Long Black Coat (Bob Dylan). Le mystique guitariste nous explique ses choix.

Propos recueillis par Nicolas Didier Barriac

Wild Orchids semble constituer une parfaite synthèse de tes deux précédents albums : To Watch The Storms et Metamorpheus. On retrouve le côté « musique classique » d’une part et le rock de l’autre mais cette fois-ci au lieu de rester séparés, ils se mélangent. Est-ce que tu es d’accord avec ça ?
Steve Hackett : Oui. A l’avenir je pense qu’il m’arrivera encore de séparer clairement les choses. Je ne ressens pas le besoin de fusionner tout le temps le classique et le rock. En revanche, la fusion permet de créer de belles choses et ne pas s’enfermer dans un carcan. Le rock n’est pas tout et la musique classique non plus. Chaque courant de musique peut apporter quelque chose d’intéressant. Quant à mon prochain album, je pense qu’il sera entièrement constitué de musique classique.

Comment naît une chanson de Steve Hackett ?
S.H. : Si j’ai de la chance, je la rêve (rires). Ce sont les chansons les plus faciles à écrire. Je ne pourrais pas te détailler le processus d’écriture car c’est encore un mystère pour moi. Le plus dur est de commencer une chanson. Quand est-ce qu’un gribouillis devient assez intéressant pour être conservé ? Parfois quelques notes très minimalistes suffisent à faire partir la machine. Je n’ai jamais bien réussi à comprendre ce qui provoque la naissance d’une chanson. Tout ce que je sais, c’est qu’il est assez dur d’être original, en définitive. Tout a déjà plus ou moins été dit…

Est-ce que tu mènes de front plusieurs projets (rock et/ou classique), ou te consacres-tu à chaque fois entièrement au disque du moment ?
S.H. : Oui, je mène plusieurs idées de front. Comme je le disais, je suis en train de bosser sur un nouvel album de musique classique. Il est composé notamment de six pièces de Bach donc il s’agit de quelque chose d’assez dur. Mais si je le fais, c’est parce que je trouve cette musique très belle. Ce n’est pas son aspect technique qui m’attire.

En tant qu’auditeur, est-ce que tu apprécies certains groupes ou artistes qui mélangent le rock et la musique classique ?
S.H. : Oui. J’aime beaucoup de groupes de jazz hongrois qui ont appris à jouer de la musique classique et qui improvisent autour avec leur héritage de gitans. Je trouve que c’est assez progressif comme approche et que n’importe qui ayant une affinité avec le rock progressif devrait essayer d’écouter ça. Les changements de rythme sont très intéressants et complètement différents de ce que nous avons l’habitude d’entendre chez nous. Le rock est trop formaté, les parties de batterie sont tout le temps identiques (il chante un rythme de base). Les Brésiliens ont changé la donne mais les Hongrois ajoutent plein d’effets de percussions avec les cymbales en particulier. Parfois ça sonne comme un solo de cuillère sur une cymbale ! Le piano joue souvent un rôle prépondérant aussi. En tout cas le résultat est très intéressant. Et la virtuosité que nécessite ce genre de musique est remarquable.

Sur Wild Orchids, tu nous présentes une excellente reprise de The Man In The Long Black Coat de Bob Dylan. Que peux-tu nous dire sur cette chanson ? Pourquoi ce choix ?
S.H. : Tout simplement parce que j’aime énormément ce morceau. Je suis un grand fan de Bob Dylan, bien que je n’ai pas encore entendu son nouvel album. Dylan nous a laissé un héritage fantastique avec ses chansons. Je trouve que son style de composition est très simple. Du coup lorsque des gens comme moi font des reprises, il est possible de totalement s’approprier ses morceaux. Ma version de The Man In The Long Black Coat est très heavy et portée sur la guitare, ce qui n’était pas le cas de l’originale.

Il y a quelques années tu as sorti un album-hommage à Eric Satie. Ce dernier et Bob Dylan ont quelque chose en commun : ils sont à la recherche de la simplicité la plus pure pour arriver à écrire leurs morceaux. Est-ce que, toi aussi, tu essaies parfois de te « retenir » de tes envies techniques pour écrire les chansons les plus simples et belles qui soient ?
S.H. : Au départ je ne vois pas les choses comme simples ou compliquées. J’ai eu tendance à enquiller les notes un peu trop rapidement de temps en temps. Mais généralement, quand on en arrive à jouer vite c’est tout simplement parce qu’on n’a pas de meilleure idée… En concert, ça marche toujours car le fait de jouer vite remplit tout le monde d’énergie. Mon but est surtout d’écrire des titres simples et identifiables tout en étant très à l’aise dans mon propre style. C’est la marque des grands pour moi. Pour ma part, je trouve que j’ai trop souvent recours à la technique…

Tu ne dois donc pas toujours trop aimer le style propre au rock progressif…
S.H. : C’est vrai. Je n’aime pas trop l’utilisation rythmique de la batterie. Ca « cafouille » trop. Le rythme ne swingue jamais et je n’aime pas ça. Je préfère ressentir quelque chose plutôt qu’écouter des bruitages saccadés comparables à ceux que ferait un enfant en train de taper sur une machine à écrire ! Pas besoin de jouer en 5/4 pour rien… Je n’aime pas trop le terme progressif de toute façon. Je lui préfère l’étiquette de fusion. Le progressif existe depuis les années 1900 car Richard Strauss mentionnait déjà ce terme.

Depuis toutes ces années, nous avons pu voir bon nombre de pochettes d’albums illustrées par ta femme. Quelle est ta préférée ?
S.H. : Bizarrement, j’aime surtout celles où il y a des femmes nues ! Je suis assez fan de celle qui figure sur Wild Orchids bien qu’on puisse lui trouver un caractère un peu androgyne. J’aime aussi la première version de la pochette de Bay Of Kings mais ma femme n’en était pas contente car trop de jeunes hommes voulaient rencontrer la jeune femme ! Malheureusement, elle n’existe pas, elle était le fruit de son imagination. La version utilisée pour la réédition est plus prévisible et sérieuse. Je préférais l’ancienne. J’aime aussi celle de Defector bien que beaucoup de personnes trouvent que j’ai l’air plus vieux que mon âge actuel. Pourtant cet album date d’il y a vingt-six ans (rires) ! Heureusement que j’ai toujours l’air plus jeune que cela car on me voit avec un visage vert et une expression proche de la mort.

Pour finir, un petit mot sur le featuring que tu as réalisé sur l’album « ? » de Neal Morse l’an dernier. Es-tu satisfait de cette expérience, qu’as-tu pensé du disque ?
S.H. : J’ai bien aimé jouer ces parties. Je n’ai jamais rencontré ou même parlé à Neal Morse car j’ai tout fait à partir de mon studio, chez moi. Il m’a juste transmis quelques directives. Je suis plutôt content du résultat car malgré la distance qui nous séparait, nous avons pu nous nourrir mutuellement de nos idées et aboutir à un bon solo. J’ai eu du mal à me lancer au départ mais ensuite tout a bien fonctionné.

C’est assez ironique que tu joues pour Spock’s Beard car s’il y a bien quelqu’un qui doit quelque chose au vieux Genesis, c’est lui !
S.H. : Beaucoup de groupes doivent quelque chose à Genesis. Mais Genesis doit beaucoup à d’autres groupes, plus vieux. Quand on est jeune, souvent à la suite d’un concert exceptionnel, on croit toujours que chaque compositeur a tout inventé, que chaque genre musical est indissociable d’un compositeur. Mais ce n’est pas vrai. Tout le monde copie ses influences et quand on a de la chance, on s’en sort avec quelque chose de plus ou moins original. Mais ce ne sont que de bonnes coïncidences dans le fond…

Le site de Steve Hackett :
http://www.stevehackett.com/

Publié dans le magazine N° 22 de Novembre 2006


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