Megadeth,
"On est à la bourre... Ca ne te dérange pas de
faire l’interview dans le taxi ?", me lâche l’attachée
de presse de Roadrunner en arrivant à l’hôtel où
devait avoir l’entretien avec Dave Mustaine.
Non pas vraiment, la perspective d’être entassé à côté
du rouquin guitariste, ancien membre de Metallica (gniak gniark), avec
aucune issue de secours pendant plus d’une demi-heure est plutôt
réjouissante… Sans compter que faire parler l’homme
qui représente Megadeth depuis tant d’années dans
ces conditions est un beau défi…
Heureusement, après
un départ en diesel, Mustaine se détend et n’est perturbé
dans son trajet que par le chauffeur qui, exaspéré par les
coups de pied qu’il reçoit dans son siège, s’en
prend verbalement à son prestigieux client.
Ce dernier, prétextant une nervosité incontrôlable et menaçant de lui "crever
les pneus", obtient le dernier mot. Il en va quand même de
sa réputation !
Dans tout ceci, on en oublierait presque la
retranscription que voici de l’essentiel de la tranche de vie partagée
pendant quelques dizaines de minutes dans un taxi parisien…
Propos recueillis par Nicolas Didier Barriac.
Tu t’es récemment replongé dans
tout le catalogue Megadeth pour remasteriser tous les albums et tu avais
déclaré être très fier de "Countdown To
Extinction" et que tu considérais cet album comme le meilleur
du groupe.
Est-ce toujours le cas et pour quelles raisons aimes-tu autant
cet album ?
Dave Mustaine : Countdown était un album essentiel pour moi car
je suis devenu nettement plus mûr en étant que compositeur.
J’ai compris alors comment faire de bons arrangements. On peut jouer
de la guitare tant que l’on veut mais si on ne sait pas arranger
ses idées, c’est comme se retrouver devant un frigo plein
de bouffe et mourir de faim parce qu’on ne sait pas cuisiner !
Et même si l’on sait cuisiner en théorie, jusqu’à
ce qu’on ait cassé quelques œufs on n’est pas
encore en mesure de faire grand chose d’abouti. Pour la musique
c’est pareil et à l’époque de Countdown j’ai
remis à plat mon jeu de guitare et je me suis focalisé sur
les arrangements.
A un moment je suis allé trop loin et j’ai oublié
que ma force était quand même de trouver de bons riffs. Lorsque
j’ai pu trouver un peu d'équilibre entre ces deux facettes,
les chansons que j’écrivais étaient de très
bonne facture et aussi très mélodiques. Les albums suivants
se sont inscrits dans cette tendance : très heavy et aussi
très mélodiques. Il y a peu de gens qui font cela.
A travers les périodes, Megadeth s’est
essayé à pas mal de styles différents, notamment
dans la seconde partie des années 90. Comment définirais-tu
ton évolution en tant que compositeur ?
D.M.: J’ai toujours repoussé mes limites car j’ai toujours
été curieux de savoir jusqu’où je pouvais aller.
Au moment où j’étais le plus confiant dans mes compositions
je me suis posé la question de savoir si ma musique valait encore
la peine d’être faite.
En effet, Capitol Records voulait faire de nous un groupe de rock alternatif.
Il fallait que nous prenions un nouveau look, que nous nous coupions les
cheveux et que nous nous débarrassions de notre mascotte. Mais
c’est impossible d’imposer ça à un groupe de
metal ! Tu peux dire un truc comme "Arrêtez de chanter
à propos de routes qui tournent et parlez de révolution !"
à un groupe comme The Beatles mais l’inverse serait totalement
absurde !
N’as-tu jamais pensé qu’un revirement
commercial – même passager – pourrait valoir le coup
et se révéler bénéfique sur le long terme
?
D.M.: Si, je me suis posé cette question juste après la
sortie de Countdown To Extinction. D’ailleurs avec des albums comme
Youthanasia et Cryptic Writings, on sentait bien que j’allais dans
cette direction sur la pointe des pieds. En tant que guitariste, les chansons
de ces albums ne sont pas exactement ce que j’ai en tête lorsque
je me produis sur scène où je veux systématiquement
assommer chaque membre du public avec chaque chanson. C’est un sentiment
génial que d’y arriver.
Si tu devais définir United Abominations avec quelques morceaux
emblématiques…
D.M.: Le premier morceau donne bien le ton avec ses sonorités de
NWOBHM. Ca fera vibrer la fibre nostalgique de tous les fans qui écoutaient
ce genre de musique à l’époque. Je pense qu’il
y a peu de groupes qui jouent ce genre de trucs actuellement avec la même
énergie et les mêmes tonalités. "Burnt Ice",
la dernière chanson, est aussi une de mes préférées.
Je tousse à un moment donné : ce n’était
pas du tout voulu au départ et je l’ai inclus dans les démos
comme une blague mais les types de Roadrunner ont trouvé ça
génial et je l’ai laissé finalement. Le solo de guitare
est mon préféré de tout mon répertoire. Les
attentes concernant les soli étaient très hautes sur ce
disque et je crois que je ne décevrai personne.
Pourquoi ressors-tu "A Tout Le Monde" dans
une version… euh… moderne, en duo avec Cristina Scabbia de
Lacuna Coil ?
D.M.: Quand cette chanson est sortie en single à l’époque,
MTV ne l’a pas assez exposée pour des raisons obscures. A
"Tout Le Monde" est une des chansons préférées
des fans et elle est connue dans le monde entier mais le grand public
n’a encore jamais eu l’occasion de la découvrir. Je
trouve que ce titre est capable de montrer le heavy metal sous un autre
jour et rameuter un public différent. C’est encore plus vrai
avec la nouvelle version où Cristina accomplit un boulot formidable.
Comment t’es-tu retrouvé à chanter
avec elle ?
D.M.: En fait j’ai passé une audition pour intégrer
Lacuna Coil et au milieu de celle-ci je lui ai dit qu’on devrait
plutôt faire un truc à deux (rires). Non je déconne.
En fait, nous avons chanté ce titre avec plusieurs filles mais
ça ne s’est pas fait pour différentes raisons. L’une
d’entre elles avait du mal à "chanter" car d’habitude
elle n’utilisait qu’une voix death. C’était la
chanteuse de Walls Of Jericho et je la remercie d’être venue.
Le nom de Lisa Marie Presley a même été évoqué
à un moment (rires). Je ne voulais pas que les gens lâchent
des rumeurs là-dessus : le faire aurait été
comme tendre le bâton pour se faire battre. Et je ne voulais pas
devenir Michael Jackson ! Puis, on a parlé de Cristina et
comme je cherchais quelqu’un avec une voix puissante comme Kelly
Clarkson, ça a marché.
Parlons un peu des paroles et des thèmes abordés sur l’album.
Il me semble qu’à ce niveau "United Abominations" se situe
dans la droite lignée de "The System Has Failed" …
D.M.: Peut-être, oui. Mais il y a aussi beaucoup de connexions avec
des thèmes et des éléments issus d’albums plus
anciens. "Blessed Are The Dead" est ainsi la suite directe de
"Diadems". De plus, "Amerikhastan" poursuit "Holy
Wars". Les gens sont souvent surpris que je sois catholique.
Pourtant déjà dans "Peace Sells" je disais : "What
do you mean I don’t believe in God ? I talk to him every day."
Et je chante ce titre depuis plus de vingt ans sans qu’on m’ait
fait chié à ce propos ! Sinon, "Washington Is Next"
est davantage dans la lignée de l’album précédent.
Ca parle des pouvoirs politiques qui sont concentrés là-bas
et donnent des airs de Rome moderne à cette ville.
La chanson "United Abominations" parle des Nations Unies. Un documentaire, "You
And Me", va sortir dans quelque temps et ça va totalement
remettre en cause cette organisation dont le rôle est vraiment bizarre.
Au Darfour il y a des casques bleus qui se livrent à des paris
morbides : ils ouvrent le ventre de femmes enceintes pour savoir
de quel sexe était le bébé. C’est horrible
et c’est ce genre d’exactions que le film va mettre en évidence.
Roadrunner - Warner
Site Internet Officiel de Megadeth :
http://www.megadeth.com
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