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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 29Megadeth, United Abominations

Megadeth, United Abominations

Megadeth,

"On est à la bourre... Ca ne te dérange pas de faire l’interview dans le taxi ?", me lâche l’attachée de presse de Roadrunner en arrivant à l’hôtel où devait avoir l’entretien avec Dave Mustaine.

Non pas vraiment, la perspective d’être entassé à côté du rouquin guitariste, ancien membre de Metallica (gniak gniark), avec aucune issue de secours pendant plus d’une demi-heure est plutôt réjouissante… Sans compter que faire parler l’homme qui représente Megadeth depuis tant d’années dans ces conditions est un beau défi…
Heureusement, après un départ en diesel, Mustaine se détend et n’est perturbé dans son trajet que par le chauffeur qui, exaspéré par les coups de pied qu’il reçoit dans son siège, s’en prend verbalement à son prestigieux client.

Ce dernier, prétextant une nervosité incontrôlable et menaçant de lui "crever les pneus", obtient le dernier mot. Il en va quand même de sa réputation !
Dans tout ceci, on en oublierait presque la retranscription que voici de l’essentiel de la tranche de vie partagée pendant quelques dizaines de minutes dans un taxi parisien…

Propos recueillis par Nicolas Didier Barriac.

Tu t’es récemment replongé dans tout le catalogue Megadeth pour remasteriser tous les albums et tu avais déclaré être très fier de "Countdown To Extinction" et que tu considérais cet album comme le meilleur du groupe.
Est-ce toujours le cas et pour quelles raisons aimes-tu autant cet album ?

Dave Mustaine : Countdown était un album essentiel pour moi car je suis devenu nettement plus mûr en étant que compositeur. J’ai compris alors comment faire de bons arrangements. On peut jouer de la guitare tant que l’on veut mais si on ne sait pas arranger ses idées, c’est comme se retrouver devant un frigo plein de bouffe et mourir de faim parce qu’on ne sait pas cuisiner !
Et même si l’on sait cuisiner en théorie, jusqu’à ce qu’on ait cassé quelques œufs on n’est pas encore en mesure de faire grand chose d’abouti. Pour la musique c’est pareil et à l’époque de Countdown j’ai remis à plat mon jeu de guitare et je me suis focalisé sur les arrangements.
A un moment je suis allé trop loin et j’ai oublié que ma force était quand même de trouver de bons riffs. Lorsque j’ai pu trouver un peu d'équilibre entre ces deux facettes, les chansons que j’écrivais étaient de très bonne facture et aussi très mélodiques. Les albums suivants se sont inscrits dans cette tendance : très heavy et aussi très mélodiques. Il y a peu de gens qui font cela.

A travers les périodes, Megadeth s’est essayé à pas mal de styles différents, notamment dans la seconde partie des années 90. Comment définirais-tu ton évolution en tant que compositeur ?
D.M.: J’ai toujours repoussé mes limites car j’ai toujours été curieux de savoir jusqu’où je pouvais aller. Au moment où j’étais le plus confiant dans mes compositions je me suis posé la question de savoir si ma musique valait encore la peine d’être faite.
En effet, Capitol Records voulait faire de nous un groupe de rock alternatif. Il fallait que nous prenions un nouveau look, que nous nous coupions les cheveux et que nous nous débarrassions de notre mascotte. Mais c’est impossible d’imposer ça à un groupe de metal ! Tu peux dire un truc comme "Arrêtez de chanter à propos de routes qui tournent et parlez de révolution !" à un groupe comme The Beatles mais l’inverse serait totalement absurde !

N’as-tu jamais pensé qu’un revirement commercial – même passager – pourrait valoir le coup et se révéler bénéfique sur le long terme ?
D.M.: Si, je me suis posé cette question juste après la sortie de Countdown To Extinction. D’ailleurs avec des albums comme Youthanasia et Cryptic Writings, on sentait bien que j’allais dans cette direction sur la pointe des pieds. En tant que guitariste, les chansons de ces albums ne sont pas exactement ce que j’ai en tête lorsque je me produis sur scène où je veux systématiquement assommer chaque membre du public avec chaque chanson. C’est un sentiment génial que d’y arriver.

Si tu devais définir United Abominations avec quelques morceaux emblématiques…
D.M.: Le premier morceau donne bien le ton avec ses sonorités de NWOBHM. Ca fera vibrer la fibre nostalgique de tous les fans qui écoutaient ce genre de musique à l’époque. Je pense qu’il y a peu de groupes qui jouent ce genre de trucs actuellement avec la même énergie et les mêmes tonalités. "Burnt Ice", la dernière chanson, est aussi une de mes préférées.
Je tousse à un moment donné : ce n’était pas du tout voulu au départ et je l’ai inclus dans les démos comme une blague mais les types de Roadrunner ont trouvé ça génial et je l’ai laissé finalement. Le solo de guitare est mon préféré de tout mon répertoire. Les attentes concernant les soli étaient très hautes sur ce disque et je crois que je ne décevrai personne.

Pourquoi ressors-tu "A Tout Le Monde" dans une version… euh… moderne, en duo avec Cristina Scabbia de Lacuna Coil ?
D.M.: Quand cette chanson est sortie en single à l’époque, MTV ne l’a pas assez exposée pour des raisons obscures. A "Tout Le Monde" est une des chansons préférées des fans et elle est connue dans le monde entier mais le grand public n’a encore jamais eu l’occasion de la découvrir.
Je trouve que ce titre est capable de montrer le heavy metal sous un autre jour et rameuter un public différent. C’est encore plus vrai avec la nouvelle version où Cristina accomplit un boulot formidable.

Comment t’es-tu retrouvé à chanter avec elle ?
D.M.: En fait j’ai passé une audition pour intégrer Lacuna Coil et au milieu de celle-ci je lui ai dit qu’on devrait plutôt faire un truc à deux (rires). Non je déconne. En fait, nous avons chanté ce titre avec plusieurs filles mais ça ne s’est pas fait pour différentes raisons. L’une d’entre elles avait du mal à "chanter" car d’habitude elle n’utilisait qu’une voix death. C’était la chanteuse de Walls Of Jericho et je la remercie d’être venue.
Le nom de Lisa Marie Presley a même été évoqué à un moment (rires). Je ne voulais pas que les gens lâchent des rumeurs là-dessus : le faire aurait été comme tendre le bâton pour se faire battre. Et je ne voulais pas devenir Michael Jackson ! Puis, on a parlé de Cristina et comme je cherchais quelqu’un avec une voix puissante comme Kelly Clarkson, ça a marché.

Parlons un peu des paroles et des thèmes abordés sur l’album. Il me semble qu’à ce niveau "United Abominations" se situe dans la droite lignée de "The System Has Failed" …
D.M.: Peut-être, oui. Mais il y a aussi beaucoup de connexions avec des thèmes et des éléments issus d’albums plus anciens. "Blessed Are The Dead" est ainsi la suite directe de "Diadems". De plus, "Amerikhastan" poursuit "Holy Wars". Les gens sont souvent surpris que je sois catholique.
Pourtant déjà dans "Peace Sells" je disais : "What do you mean I don’t believe in God ? I talk to him every day." Et je chante ce titre depuis plus de vingt ans sans qu’on m’ait fait chié à ce propos ! Sinon, "Washington Is Next" est davantage dans la lignée de l’album précédent. Ca parle des pouvoirs politiques qui sont concentrés là-bas et donnent des airs de Rome moderne à cette ville.
La chanson "United Abominations" parle des Nations Unies. Un documentaire, "You And Me", va sortir dans quelque temps et ça va totalement remettre en cause cette organisation dont le rôle est vraiment bizarre.
Au Darfour il y a des casques bleus qui se livrent à des paris morbides : ils ouvrent le ventre de femmes enceintes pour savoir de quel sexe était le bébé. C’est horrible et c’est ce genre d’exactions que le film va mettre en évidence.

Roadrunner - Warner
Site Internet Officiel de Megadeth :
http://www.megadeth.com

Publié dans le magazine N° 29 de Juin 2007


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