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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 10L'histoire de la guitare classique

L'histoire de la guitare classique

Parallèlement à Torres et sur l’un de ses instruments, le plus grand guitariste de tous les temps développe la technique du jeu moderne : Fransisco Tarrega (1852-1909) ne joue que de la guitare et ne compose que pour elle. Ses compositions (à l’arrière-plan pédagogique évident) utilisent et soulignent toutes les ressources et toutes les particularités de l’instrument, en faisant appel à toutes les capacités du guitariste. Ses œuvres ne se contentent jamais d’être de simples exercices techniques ; elles sont autant de véritables bijoux musicaux, raffinés et romantiques.

Il travaille sans répit à la réhabilitation de la guitare de concert. En plus du nouveau répertoire qu’il crée, Tarrega transcrit magistralement des œuvres de Chopin, Schumann, Bach etc.

Cet extrait d’Adelita (http://www.classtab.org/ftaadeli.txt), petite pièce ravissante, est joué sur une guitare construite en 2003 exactement d’après les plans et les habitudes de Torres, dans l’atelier du maître-luthier suisse Werner Schär.

Écouter cet extrait et le comparer à celui de "Greensleeves", donné plus haut, permet d’entendre immédiatement le chemin parcouru par la guitare en trois siècles, aussi bien en technique de jeu qu’en lutherie. Il est intéressant de noter à ce sujet que Tarrega, à la recherche de toutes les nuances de la guitare, va "chercher" un certain type de douceur en venant jouer avec sa main droite par-dessus la partie de la touche située sur la table. L’ongle de son pouce, assez grand, creuse un profond sillon dans l’épicéa le long de la touche en ébène, au dessus de la corde Mi grave. Cette recherche va dans un sens opposé à celui de la technique médiévale de l’auriculaire posé au-delà du chevalet.

Ce petit extrait sonore illustre l’effet obtenu par Tarrega : les mêmes notes jouées d’abord en position normale, au dessus de la rosace, puis au niveau de la 17ème frette.

De nombreux procédés utilisés de nos jours en guitare classique ont été méticuleusement élaborés par Tarrega. C’est son élève Miguel Llobet (1878-1937) qui assurera le passage de cette technique à la postérité.

Les générations suivantes parachèvent ce travail et emmènent la guitare classique vers de nouveaux horizons.
C’est le cas du compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos (1887-1959) dont le prélude N°1 (http://www.classtab.org/hvlpr1.txt) devient un des étalons du répertoire ;

Citons aussi Agustín Pió Barrios Mangoré (1885-1944) qui joue sur des cordes en acier (les seules qui gardent une consistance dans le climat de son pays, le Paraguay) et dont la "Catedral" (http://www.classtab.org/abmcat1z.txt) invente de nouvelles manières d’utiliser la guitare ;

Enfin, il faut mentionner Leo Brouwer, né à la Havane en 1939, et dont l’Estudio Sincillo N°6 (http://www.classtab.org/lbest06.txt) permet, en quelques notes, d’entrer dans un nouveau monde musical.

A l’écart des fluctuations parfois ingrates des classiques, la guitare reste fidèle au peuple. En Espagne, elle devient l’instrument unique et honoré du Flamenco. Elle y reçoit l’accent maure qui va si bien à sa sonorité nostalgique.

D’innombrables guitaristes de Flamenco deviennent de vrais maîtres, sans jamais connaître la gloire. Ils héritent du flamenco par tradition orale, l’enrichissent et l’ornent sans répit et sans ambition personnelle. C’est le fascinant Ramon Montoya (1880-1942) qui, en conjuguant de manière autodidacte (en regardant les doigts des "grands") le plus pur des flamencos avec la technique classique, entraîna cette forme musicale dans les salles de concert – par exemple Salle Pleyel à Paris, notoirement réservée aux concerts classiques. Qu’il me soit permis de citer, sans aucun souci d’exhaustivité, quelques uns des grands guitaristes flamenco auxquels Ramon Montoya a, en quelque sorte, ouvert les portes : Sabicas, Niño Ricardo, Melchor de Marchena, Roman el Granaïno…

L’enfance d’Andrés Segovia (1893-1987) est bercée par la musique pour guitare qui résonne partout en Espagne. Grand ami de Miguel Llobet, Segovia mènera à son apogée le travail de réhabilitation entrepris par Tarrega et fascinera des salles entières. Il est intéressant de souligner, également, que cet immense ambassadeur de la guitare classique, reconnu dans le monde entier, était, lui aussi, un véritable autodidacte.

Après lui, des guitaristes de grand talent fleurissent partout dans le monde ; là aussi, je nommerai quelques noms "en vrac" : Narciso Yepes (1927-1997) et sa guitare à 10 cordes, Julian Bream, John Williams… et, dans la plus jeune génération, l’irrésistible Nicola Hall ou l’enthousiasmant Emanuele Segre.

Publié dans le magazine N° 10 de Octobre 2005


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