François Hadji-Lazaro : « ne pas avoir d’étiquette »
Multi-instrumentiste, acteur de cinéma et éternel indépendant,
le père du groupe Pigalle, les Garçons Bouchers et de Boucherie
Productions vient de sortir son nouvel album « Aigre doux ».
Un chaud/froid, plutôt qu’un sucré-salé, qui
affirme une nouvelle fois sa peur du sectarisme.
Samuel Degasne
En quoi la découverte de Bob Dylan a été pour vous
un déclic au début des années 70 ?
François Hadji-Lazaro : Tout jeune, je faisais du rock. Pour
moi, Dylan était le résultat d’un carrefour de cultures
issues de la tradition folk américaine et de l’apport des
immigrants. En remontant cette logique de filiation, j’ai eu l’envie
d’apprendre plein d’instruments.
C’est donc de là que vient votre boulimie de guitares ?
F H-L : Le finger-picking m’a amené à découvrir d’autres
styles. Je m’ennuie très vite et j’avais trouvé
quelques combines pas très honnêtes pour avoir des instruments.
J’ai ainsi pu explorer ceux à cordes, mais aussi ceux à
vent et à soufflet. Il y a quelques années, ce sont les
frères Chao qui m’avaient fait acheter une gaïta. De
retour d’un film sur l’île São Vicente de Cesària
Evoria en Afrique, j’ai également ramené un cavaquinho.
Et dernièrement, je me suis mis à la guitare portugaise.
Des instruments traditionnels ou acoustiques… alors pourquoi avoir
intégré les boîtes à rythmes et les séquenceurs ?
F H-L : On me l’a beaucoup reproché au début de Pigalle.
Ca n’était utilisé que pour la musique Indus. Les
ayant gagné à un concours de banlieue, je ne voyais pas
de contradiction entre le classique et le contemporain. D’autant
que nous n’étions qu’un duo. Dans « Aigre
Doux », j’ai même utilisé des morceaux de
contrebasse d’Alain des Wampas à l’époque de
notre ancien groupe Los Caryos.
Au vu de tous vos styles, quel est votre processus de création ?
F H-L : Je m’attarde généralement à créer une
ambiance grâce à la technologie Pro tools sur laquelle je
teste les mélodies. J’utilise autant la guitare à
modélisation variax, que l’acoustique ou l’électrique.
Je mets au défi de trouver dans mon dernier album où ils
sont positionnés. Il suffit d’utiliser les sons adéquats.
Accords ouverts, bottleneck… J’essaie de ne pas avoir d’étiquette
et de ne pas faire de sectarisme.
Pourquoi choisir des titres de chansons si longs ?
F H-L : S’il n’y avait que moi, je n’en mettrais pas du tout.
J’adore faire des contre-pieds entre les paroles et la musique.
Je peux autant jouer la mélancolie sur un blues cajun ou sur une
musique traditionnelle du Centre de la France. Et avant même la
fin de la tournée, je suis déjà en train d’écrire
la suite.
Quel regard d’ancien indépendant, aujourd’hui passé
chez Universal, avez-vous ? La liberté existe-t-elle encore
chez les productions actuelles et les majors ?
F H-L : Quand un artiste signe sur une major, on lui change ses arrangements
sous prétexte qu’il y a une file d’attente derrière
lui. Les disques restant très peu en rayon, nous n’avons
plus le temps de les faire connaître. Du temps de Boucherie Productions,
nous mettions 6 mois... Moi, je suis libre. Après mes 25 ans d’actifs,
ce n’est pas à moi que l’on va faire le coup.
Vous avez joué dans pas mal de films de tous bords (J’ai
vu tuer Ben Barka, Le Pacte des Loups…). De quelle manière
le dessin et le cinéma sont présents dans votre musique ?
F H-L : Je jouais seulement de la guitare pour draguer les filles et je rêvais
plus de Beaux-Arts. Finalement, je suis content. Il y a un côté
plus mystérieux et sensuel à pratiquer la musique, même
si c’est complémentaire. Je viens de finir le dernier film
de Marc Caro (intitulé Dante 01, ndr) et ça m’a fait
du bien. Je veux autant faire de l’humour qu’être pédagogique.
Et pour moi, Renaud n’est par exemple pas si engagé que ça.
Je veux pouvoir jouer de l’oud et m’intéresser au digital
ou à la vielle à roue quand ça me chante.
Le site de François Hadji-Lazaro :
http://lazaro.artistes.universalmusic.fr |