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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 15Joe Satriani, un guitariste super colossal

Joe Satriani, un guitariste super colossal

Un parcours satrianesque

Joe Satriani est un monument de la guitare instrumentale. Pas seulement parce qu’il a vendu plusieurs millions d’albums, mais parce qu’il a popularisé un jeu et des techniques poussées comme peu d’autres l’ont fait. Le point sur le parcours d’un surdoué.

Joe Satriani, ou Satch pour les intimes, aura tourné avec Deep Purple (en 1994) ou aux côtés de Mick Jagger (1988). Mais ce qu’on retient de lui, ce n’est pas un groupe ou un jeu de scène. Satch, c’est une approche de la musique et de la guitare. Un personnage discret derrière ses lunettes, un guitar-hero à l’identité musicale forgée par la pratique du touche-à-tout en studio.

Son parcours, c’est donc surtout vingt albums et compilations instrumentales au total, avec le dernier en date « Super Colossal » qui sort en mars 2005. Ajoutez quelques expériences temporaires avec les machines et la programmation (Engines of Creation). Pour la scène, on pense tout de suite au concept, un pari gonflé à l’époque du lancement, des concerts G3. Vous avez alors un guitariste au toucher reconnaissable entre tous, souvent copié, rarement égalé. Rappelons d'ailleurs que Guitare Live propose dans le même numéro un cours en vidéo autour du style et des techiques du guitariste.


Cliquez sur l'image pour rejoindre le cours sur Joe Satriani

Joe l’Américain démarre la guitare vers l’âge de 14 ans, à l’aube des années 70. Il apprend très vite et donne rapidement des cours à d’autres jeunes. L’un de ses élèves restera un ami et deviendra vite un autre extra-terrestre de la guitare : Steve Vai.

Fin des années 70, avec son groupe The Squares et le batteur Jeff Campitelli., il consolide une amitié qui dure encore en 2006. Jeff est toujours présent en studio pour les prises de batterie et de percus. Mais la carrière de Satch se fera en solo. C’est un homme-orchestre qui préfère écrire voire enregistrer les prises de claviers ou de basse, lorsqu’il ne les confiera pas à Matt Bissonnette.

Mais revenons aux sources. En 1984, Joe investit ses économies dans la création de l’album Not of this Earth, lancé avec son propre label Rubina Records. Les ventes sont confidentielles.

Comme beaucoup de guitaristes, il enseigne la guitare pour vivre de sa passion après avoir tâté de divers jobs au fil des années, du jardinage au magasin de fringues. Dans un magasin de San Francisco, il donne des cours et deviendra le mentor de jeunes gratteux comme Kirk Hammet (Metallica) ou Larry LaLonde (Primus).

La révélation ne viendra en 1987 avec la sortie de Surfing with the Alien chez Relativity Records. Le vieux pote Steve Vai, qui était en contact avec le label, aura servi d’intermédiaire en leur présentant ce crack de la gratte.

Les compos sont énormes, les solos énergiques et le succès arrive. Au fil des mois, Joe devient une pointure à la renommée internationale. Le toucher, le son, les thèmes ouvriront des portes à des cohortes de guitaristes qui, après son écoute, vont expérimenter à leur tour le tapping au médiator, le tapping à deux mains, en repoussant les limites de la vitesse…On recense plus de deux millions d’albums vendus.

Des titres deviennent des classiques à connaitre ou des défis à relever. Always with me, always with you, où l’on retrouve aussi bien un thème simple que des plans acrobatiques, est dédicacé à sa femme Rubina. Celle-ci lui inspire une foule de morceaux, mais difficile de tous les nommer par son prénom ! Il y aura Rubina, Rubina's Blue Sky Happiness, Rubina Records…

Son parcours de prof, où il voit beaucoup de jeunes guitaristes tenter de copier le style de leurs stars, l’encourage à persévérer dans la recherche d’un jeu personnel. Grâce à ses connaissances musicales, il poursuit l’exploration des gammes, l’utilisation des modes. Au point qu’on associe souvent son nom à la couleur lydienne par exemple. Un album reste pour lui un terrain d’expérimentation. Dans l’incontournable galette Flying in a blue dream sorti en 1989, il s’essaie au chant. Certains reprochent un côté un peu naïf (« I believe »), mais ça marche.

Comme il faudrait plusieurs vies pour creuser chaque espace de liberté permis par la musique, Satch doit s’en tenir à une méthode de travail rigoureuse. Dans ses interviews, il fait souvent référence à son ancien prof Lennie Tristano. L’homme est décédé fin 1978 et a laissé une empreinte forte. Cette pointure du jazz, fondateur d’une école en 1951, lui explique comment s’imprégner de la musique, marier le geste technique et l’appel de la mélodie.

Ainsi, dans un article du recueil « Guitar Secrets », Satch évoque un exercice inspiré par Lennie. Au métronome, il suggère de jouer des notes aléatoires, en évitant des clichés ou des plans déjà connus. L’idée est de se dégager des automatismes pour laisser le hasard faire naître du son ou des mélodies. Puis de chanter ces notes pour ressentir la musique.

Au début des années 90, la musique instrumentale perd de son souffle. La déferlante grunge et un rock plus minimaliste font passer de mode le « shred », ce style instrumental qui repousse les limites de la virtuosité.

Le public de Satch répond toujours présent. Et pour l’émoustiller, un nouvel événement prend le relais.

Le G3

Le G3 naît de l’envie de croiser le fer en live avec la crème des guitaristes rock instrumental. Joe Satriani se sentait seul sur scène, et rares étaient les occasions de jouer avec son vieil ami Steve Vai. A cause des tournées ou des promos, les emplois du temps sont incompatibles. Pour les managers, le fait de voir en eux des concurrents plus que des amis était un sérieux frein.

Le public allait-il finir par préférer un guitariste au détriment de l’autre ? Finalement, à force de persuasion, Satch convainc les professionnels et l’idée d’un mini-festival avec trois guitaristes prend forme : le G3. En 1996, la première tournée avec Vai et Eric Johnson donnera lieu à un CD live qui se vend bien et fera des petits. Si bien qu’aujourd’hui, le mot G3 est devenu synonyme de tournée, jeu de virtuose et DVD live, avec un casting à géométrie variable.

Steve Vai, Yngwie Malmsteen, John Petrucci ou encore le français Patrick Rondat en 1998 auront partagé la scène pour un triptyque des doigts du rock les plus agiles de la planète. Ce qui n’empêche pas quelques accrocs. A Paris au Palais des Congrès en juillet 2004, la participation en ouverture de Robert Fripp, avec un jeu planant et minimaliste éloigné des canons du « guitar-hero », aura dérouté une partie du public, qui siffle l’artiste sans ménagement.

Aujourd’hui, Satriani continue d’évoluer dans le registre qui a fait son succès. Son dernier album ravira les fidèles sans créer la révolution. Peu de surprise, mais un talent et une énergie intactes au fil des années. En d’autres mots, une valeur sûre.

Publié dans le magazine N° 15 de Mars 2006


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