Suivez-nous :

Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 23Kiko Loureiro : musicien plus que metalleux

Kiko Loureiro : musicien plus que metalleux

Kiko Loureiro d’Angra, « musicien plus que metalleux »

Aurora Consurgens signe le vrai retour d’Angra. Certes, depuis le split Angra/Shaman, Loureiro and co n’ont pas chômé mais bizarrement ils n’ont jamais réussi à capturer à nouveau l’intensité de leurs premiers albums. Le petit dernier, sorti fin octobre, réussit le double pari de revenir à un son plus traditionnel tout en accentuant le style pratiqué depuis qu’Edu Falaschi s’est installé au poste de chanteur. Il ne manquait plus qu’un concept profond pour faire d’Aurora Consurgens un petit événement. C’est en tout cas comme cela que le présente Kiko Loureiro, guitariste dont les qualités ne sont plus à démontrer et qui semble aussi avoir de forts penchants pour la philosophie !
Propos recueillis par Nicolas Didier Barriac

Peux-tu revenir sur le concept du nouvel album car, comme souvent avec Angra, il semble extrêmement intéressant…
Kiko Loureiro : N’importe quel album a un concept, que ce soit un album d’Angra ou non. Il a un concept dans la démarche musicale, dans le style employé, dans les paroles voire dans tout cela à la fois. Parfois cela se fait complètement inconsciemment. Parfois il y a des connections entre les chansons grâce à un thème et/ou une histoire. Pour Temple Of Shadows, notre précédent disque, nous avions ces deux composantes. En revanche, il n’y avait pas de connections explicites dans la musique elle-même. Pour Aurora Consurgens, il y a simplement un thème global mais pas une histoire qui se déroule au fil des morceaux.

Et quel est le sujet que vous abordez sur ces dix titres ?
K.L. : Comme pour quasiment tous les autres albums d’Angra, nous parlons des relations humaines et de choses très concrètes. Il y a des groupes qui s’intéressent à la fantasy, aux dragons et toutes ces choses-là mais ce n’est pas notre cas. Nous pouvons parfois utiliser des images comme les anges ou le feu mais ce n’est jamais une fin en soi. Temple Of Shadows analysait les relations humaines à travers les yeux d’un personnage central ; pour Aurora Consurgens nous avons privilégié une approche « scientifique » de la chose. Nous voulions parler des problèmes mentaux comme la schizophrénie ou l’insomnie par exemple mais aussi du côté destructif de certaines relations amoureuses.

C’est intéressant, car ce ne sont pas des thèmes très courants pour des groupes de metal ! Qu’est-ce que vous a poussé à creuser ce thème à la base ?
K.L. : Parce que le stress est partout. Nous vivons à Sao Paulo et toi à Paris donc je pense que tu comprends de quoi je parle. Les gens deviennent presque fous au bout d’un moment. Parfois on ne le remarque même plus : qui va faire attention à un acheteur compulsif par exemple ? Nous trouvions intéressant de parler de tout cela. De plus, nous avons mis ce thème en perspective avec le livre « Aurora Consurgens » qui a probablement été écrit par saint Thomas d’Aquin. C’est un livre secret qui comporte plein de mystères dont certains ont été interprétés par Jung, un disciple de Freud, pour guérir des maladies nerveuses.

Cet album entretient-il des controverses ? Un tel sujet ne manque pas de provoquer…
K.L. : Oui, un peu, sans doute. Il faut dire de plus que l’ensemble de l’album prend un aspect négatif du fait que nous parlions de ces maladies mentales.

La musique n’est pour sa part pas négative du tout. On retrouve les ingrédients habituels du groupe à un niveau très élevé. Pourquoi ne pas avoir essayé de composer un disque plus sombre que d’habitude pour aller de concert avec votre sujet ?
K.L. : Parce que nous ne contrôlons pas cela. Si nous écrivons lorsque nous sommes de bonne humeur, le résultat est forcément différent des instants où nous sommes en rogne ! Concernant l’album, il y a des passages un peu plus sombres dans un ensemble globalement positif. De plus, je tiens à dire que nous écrivons toujours la musique en premier. De ce fait, la musique n’est jamais liée aux paroles puisqu’elle les précède. Bien sûr, une musique peut inspirer certaines paroles mais ça n’ira jamais bien plus loin que cela. Après c’est une question d’interprétation : certaines personnes vont trouver le disque triste et d’autres non suivant ce qu’elles ont l’habitude d’écouter. Il y a des nuances que tout le monde peut saisir comme les modes majeur et mineur mais c’est assez limitant.

Ta remarque est valable car la musique d’Angra est complexe et, comme un bon film ou bon livre, elle est sujette à l’interprétation. Des styles musicaux très simples et formatés ne peuvent pas provoquer des réactions différentes –en dehors du fait d’aimer ou non- chez les gens. Difficile, par exemple, de faire la fête sur du doom metal ou de déprimer en écoutant du Green Day…
K.L. : C’est parfaitement juste… (longue réflexion) Mais un groupe comme Green Day peut tout de même utiliser une mélodie triste ou introspective. Elle sera peut-être jouée de manière rapide et énergique mais au fond elle est triste ou mélancolique. C’est leur propre façon d’exprimer la tristesse ; ils n’ont pas nécessairement besoin de faire une ballade au piano. Mais je suis extrêmement d’accord avec ce que tu as dit. Angra essaie d’incorporer une palette immense de sons et d’émotions pour faire notre musique. Je pense que c’est dû au fait qu’au sein du groupe, nous écoutions tous énormément de musique différente. Je me considère avant tout comme un musicien et pas comme un metalleux.

Tu n’as pas d’affinité particulière avec un style donné ?
K.L. : Je peux autant apprécier Metallica, Coldplay que Pierre Boulez ou du tango. C’est important de s’ouvrir. Si tu n’écoutes que du blues et les trois mêmes accords toute ta vie, tu vas rapidement en faire le tour ! Pourtant quand Robben Ford s’ouvre au jazz en jouant avec Miles Davis, sa musique devient nettement plus intéressante et colorée. C’est primordial de s’ouvrir à d’autres musiques mais aussi de fréquenter d’autres musiciens.

Aurora Consurgens est nettement plus direct que Temple Of Shadows. Est-ce que tu penses que les expérimentations de ce dernier avaient quelque peu affaibli le style d’Angra ?
K.L. : Non pas vraiment. Il y a encore quelques expérimentations sur Aurora Consurgens. L’album ainsi que les chansons sont plus courts : voilà la grosse différence. Le début de l’album est très direct. Par ailleurs, nous ne voulions pas nous forcer à faire des chansons déstructurées de dix minutes pour plaire aux amateurs de metal progressif. Ca ne venait pas cette fois-ci, c’est aussi simple que cela. Nous ne voulons pas faire des structures progressives par obligation. Je connais bien les groupes comme Gentle Giant mais je ne suis finalement pas très influencé par leur musique.

Quel est l’album d’Angra que les gens aiment le moins selon toi ?
K.L. : Ca dépend, il n’y a pas de réponse unanime. Temple Of Shadows a souvent mis beaucoup de temps à être accepté, notamment chez nous au Brésil. Sinon, le disque le plus populaire en France est clairement Holy Land.

Le site d’Angra (SPV / Wagram) :
http://www.angra.net

Publié dans le magazine N° 23 de Décembre 2006


Voir le magazine