Pierre Chérèze : "La
beauté est le miroir latent de toutes nos espérances"
Il a joué pour Jacques Higelin, Khaled ou Brigitte
Fontaine, sort un album et rendait récemment un hommage live à
Jeff Beck avec son trio à Paris. Pierre Chérèze est
un musicien du monde, un autodidacte qui a appris à aimer et jouer
tous les styles : country, blues, rock, jazz… Portrait d’un
guitariste sous l’influence de Jeff Beck, Mark Knopfler, avec une
petite démo en vidéo de ses techniques.
Pierre Chérèze, qui se dit "né autodidacte",
est un enfant de Paris. Tout jeune cependant, dès qu’il est
en vacances à la campagne, il se consacre corps et âme à
la contemplation de la nature. C’est l’une des premières
choses dont il se souvient.
"Ce n’est que plus tard que je me suis rendu compte du lien
étroit qui existe entre l’état de contemplation de
la nature et l’état dans lequel je me trouve, depuis ma prime
enfance, lorsque j’entendais des notes…"
Voilà qui explique, selon lui, qu’il ait commencé
à jouer de la guitare en jouant de belles notes et non en faisant
des gammes.
Entre 8 et 12 ans, il se consacre à l’écoute de toutes
les formes de musiques possibles, d’Albinoni à Ray Charles…
A 12 ans, il rêve d’être Elvis Presley… à
cette fin, il insiste auprès de ses parents jusqu’à
obtenir d’eux qu’ils lui achètent sa première
guitare – une guitare folk, sèche.
Pendant sa première année de guitare, Pierre apprend, en
parfait autodidacte, à lire les tablatures. Dans cette première
phase, il se contente de jouer des accords pour s’accompagner. Il
n’envisage pas d’autre utilisation de la guitare.
Et puis, un jour, son frère, René Chérèze,
l’invite à venir écouter le guitariste qui répète,
juste à côté, dans un Centre Social pour jeunes délinquants.
Là, au milieu des baby-foot et des flippers, il y a une toute petite
scène sur laquelle des musiciens viennent répéter.
Et celui qui y travaillait, ce soir-là, était Jacky Limage,
le guitariste de Michel Polnareff. Il avait un jeu lyrique, un jeu qui
donnait, irrésistiblement, envie de jouer des belles notes. Et
pour le jeune Pierre, c’est une révélation.
A 18 ans, pétri de cette influence, il décide de devenir
professionnel et quitte la maison pour une saison de 5 mois en Turquie,
au Club Méditerranée.
A son retour, il s’installe pour un an à Nantes, où
il fait du bal.
A cette époque, les groupes de Jazz aimaient avoir un guitariste
rock dans leur formation. Le contrebassiste de Claude Bowling, P.-Yves
Sorin, frappé par le talent du jeune homme, lui conseille d’abandonner
le bal et de monter à Paris. Pierre le suit et intègre son
groupe, Triode.
Dans les années qui suivent, il se consacre principalement à
l’accompagnement – de chanson française en acoustique
et de variétés en électrique. Il travaille ainsi
avec toute une génération de chanteurs.
La seconde révélation a lieu en 1976 : Jacques Higelin
l’entend jouer au studio D’Hérouville et lui demande
de venir jouer pour lui. En acceptant cette proposition, il rencontre
l’autre guitariste du groupe : Basile Leroux.
Leroux est un improvisateur hors pair. Pierre s’initie, lui emboîte
le pas, découvre un nouveau monde, trouve ce qui lui manquait après
avoir appris de Jacky Limage l’art du son et de l’interprétation.
Pierre est toujours prêt à apprendre, prêt à
se lancer dans de nouvelles explorations. Après avoir appris l’improvisation
aux côtés de Leroux, il continue son périple autodidacte.
L’intérêt pour d’autres formes de musique l’entraîne
sur toutes sortes de voies. En Jazz, c’est Wes Montgomery qui le
touche le plus ; en classique, c’est Bach, Ravel et Fauré
(dont il dit : "pour moi, Fauré est au-delà de la musique,
il représente l’être humain… c’est un cœur
qui crée de la musique plutôt que de la musique qui fait
battre le cœur").
Pour Pierre, le voyage est l’une des principales sources d’inspiration
et d’apprentissage.
En tant que guitariste de Khaled, il passe deux années en tournée
mondiale, découvre d’autres instruments et les ajoute à
son répertoire (et à son impressionnante collection) : Bouzouki,
Balalaïka, Banjo, Dobro, Ukulélé…
A 30 ans, il vit ce qu’il appelle un coupe-circuit d’avec
le monde. "J’avais atteint un état où tous mes
goûts étaient devenus égaux ; j’aimais tout
également, tout pareillement, cela a commencé à me
donner le vertige, l’impression de ne plus être moi-même."
Ce qui lui arrive alors, il l’éprouve comme un
accident révélateur dont la conséquence est qu’il
est, dorénavant, ouvert à toutes les formes de musique.
Et si lui, le guitariste de rock et de country, peut, désormais,
se glisser dans toutes les musiques du monde (récemment : musique
espagnole, musique tzigane, musique des Andes, musique africaine…)
c’est sans aucun doute grâce à ce tournant.
Il passe à un nouvel état de conscience musicale et humaine.
Jusqu’à 30 ans, Pierre sait n’avoir pratiqué
qu’une seule forme de communication ; la forme cérébrale,
dont il est sûr qu’elle ne sert qu’à la survie.
Depuis, il communique avec le cœur – et cela sert la vie.
Aujourd’hui, c’est un guitariste incandescent, à la
nature radieuse et amoureuse. Rencontrer Pierre, c’est passer un
grand moment musical et humain. Lorsqu’il parle de sa voix douce,
il suffit de se baisser pour ramasser les pépites. Et comme il
a, lui aussi, une guitare vissée au corps, l’air fourmille
de notes, de rythmes et d’idées rieuses…
Pour la première vidéo, Pierre me parle de sa technique,
tout à fait particulière : gaucher qui joue en droitier,
il utilise, à la main droite, non seulement le médiator,
mais également l’index et le majeur, auxquels il laisse pousser
l’ongle. Il nous montre le résultat sur des plans country
ou sur une rythmique à la Jeff Beck.
Cliquez sur l’image pour lancer la vidéo
(5 Mo, format .wmv)
Puis, sur une de ses "Formule 1" Fender sciemment non amplifiée
(cela rend le son particulièrement touchant, comme chuchoté),
il m’explique, pour une seconde vidéo, ce qui caractérise
le jeu de Jeff Beck, son guitariste fétiche (ses préférences
actuelles, en dehors de Jeff Beck, vont à Ray Cooder et Mark Knopfler).
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