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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 8Interview de Fabien Courtois

Interview de Fabien Courtois

Le tapping et la polyphonie

La musique est un univers où chaque parcours est différent. Avant d’enseigner la guitare, tu as forgé ton style sans vraiment chercher d’aide extérieure ?
J’ai travaillé durant plusieurs années dans un secteur qui n’a rien à voir avec la musique, mais avec la guitare comme passion. J’ai appris en autodidacte et ce n’est que tardivement que j’ai concrétisé l’envie de vivre de la musique. Je me suis véritablement lancé en 1997 en m’orientant vers le tapping polyphonique, qu’on joue à deux mains comme un pianiste.

Tu as écrit en 1996 une méthode sur le sujet, c’est l’un des points qui nous intéresse !
Exact. Les choses se sont faites simplement, en rencontrant le directeur de la maison d’édition. Personne n’avait réellement fait de méthode sur cette technique auparavant. A part Stanley Jordan aux Etats-Unis, mais cela ressemble plus à une master-class. C’était moins axé sur des exercices. La méthode en vidéo m’a demandé un an de travail, pour construire la pédagogie et les exercices. Le tournage a été rapide. Le plus compliqué, c’était surtout le maquillage pour bien passer à la caméra (rires) !

Guitare Live a proposé deux cours sur le tapping à deux mains. Une technique pas évidente, d’autant qu’on ne voit pas bien les doigts quand on est debout.
Oui. Il faut apprendre à jouer sans trop regarder ses mains et s’habituer à sentir la position naturellement sous les doigts.

Tu as des astuces pour ça ?
Pas vraiment. C’est une affaire de temps et de travail. Il faut entendre une phrase et l’imaginer sur le manche, puis la jouer avec la meilleure justesse rythmique. Ne pas tricher et trouver la mise en place qui correspond vraiment au rendu qu’on désire.

Qu’est ce qui t’a amené à faire cette méthode, qu’est-ce qui manquait selon toi ?
Je voulais montrer le plus d’exercices et de pistes possibles. Celle de Steve Lynch n’est pas vraiment axée sur la pédagogie. Donner un panorama de tout ce que permet le tapping. J’ai essayé de faire d’abord travailler la main gauche seule. C’est finalement assez rare quand on regarde les guitaristes, contrairement au classique où des morceaux joués essentiellement à la main gauche existent, chez des élèves de Tarrega (Miguel Liobet) par exemple. Puis ensuite le travail de la main droite toute seule. Cela permet de développer la force et la souplesse des doigts de chaque main. Ensuite, j’ai cherché à présenter l’aspect polyphonique en montrant l’interaction des deux mains, d’une façon rudimentaire pour commencer. Puis en ajoutant des exercices de plus en plus compliqués, mais toujours très musicaux.

Comment as-tu procédé à l’époque ? Une façon de trouver des exercices, c’est de prendre des petites mélodies simples et les jouer sur une seule corde…
Oui, c’est intéressant pour l’improvisation. Regarde ce que fait Pat Metheny : il considère la guitare comme un instrument où chaque corde serait un instrument. La première corde aigue est un instrument, la seconde un autre…Il a travaillé l’improvisation sur une corde, puis reprenait le même thème en le jouant cette fois sur deux cordes. Puis sur trois cordes, quatre cordes. J’essaie de développer ce côté, j’ai toujours l’envie de progresser. Comme si je n’étais encore qu’au début ! Même à la fin de ma vie, je me dirai certainement qu’il reste pas mal de choses à découvrir à la guitare.

Ta vidéo date de 1996 et ne semble pas disponible en DVD. As-tu des regrets sur tes choix à l’époque ? Que changerais-tu aujourd’hui ?
Le rythme ! A cette époque, je ne lisais pas trop le solfège. Depuis, j’ai développé plusieurs approches. Je suis allé un peu plus loin en tapping monophonique, qu’on retrouve souvent en hard-rock mais que je développe en son clair, sans distorsion, avec des sauts de main. J’ai un jeu se rapprochant un peu de TJ Helmerich, comparse du guitariste Bret Garsed.

Quels sont les morceaux de référence du tapping pour toi ?
Evidemment, il y a eu Eruption de Van Halen, et les solos en tapping qui ont émergé ensuite. J’ai découvert le jeu polyphonique en Espagne, à Barcelone grâce à Stanley Jordan. Ses deux premiers albums « Magic touch » et « Standard » sont une référence. J’adore aussi des guitaristes comme Steve Vai, Greg Howe, Joe Satriani avec des morceaux en son clair comme « Day at the beach » ou « Midnight », qui n’est pas un morceau compliqué, mais très musical.

C’est un morceau que beaucoup prennent en référence…
Oui, c’est peut-être le « Jeux interdits » du guitariste qui veut apprendre le tapping à deux mains…en tout cas du côté hard-rock. Mais attention, il n’est pas si facile qu’on croit. C’est un morceau qui demande du travail, la partition n’indique pas toutes les nuances. J’ai entendu plusieurs fois des guitaristes qui pensaient le jouer correctement, et qui passaient à côté du vrai morceau !

Tu prépares un album ?
Oui, je travaille dessus. J’ai 38 ans et ça n’est pas trop tard pour un premier album (rires). Ca a toujours été un rêve. Je travaille actuellement avec Patrick Abrial, le père de Thibaut. Je l’ai rencontré il y a pas mal d’années à l’occasion de l’album Guitar Attitudes (ndr : dans lequel Thibaut joue une excellente reprise du thème de Mission Impossible) qui a été mon premier véritable enregistrement. Je jouais une valse de Chopin opus 69 n°1 en tapping polyphonique.

Cela remonte aux années 90, comment t’es-tu retrouvé dans cet album ? Une galette mémorable avec une belle brochette d’excellents guitaristes…
Dans le métro, j’ai rencontré Mathias Desmiers la guitare dans le dos, et on a parlé musique. Son ami Thibaut en a eu l’écho et m’a appelé un jour au téléphone, curieux du fait que je jouais en tapping polyphonique. Il m’a demandé une démo pour éventuellement participer à l’album, et je me suis retrouvé dans l’aventure. Entre le concert au Bataclan, les interviews sur France Inter ou ailleurs, j’en garde de bons souvenirs.

Et depuis ?
J’ai consacré beaucoup de temps au travail de l’instrument, à la mise en place. Depuis quelques années, je donne des cours de guitare classique et hard-rock dans une école associative à Rueil-Malmaison en région parisienne. Je me suis aussi consacré au management artistique. Des projets sont en cours, notamment la réalisation d’un album aux côtés de Pierre Chaze pour la production, qui enseigne à Paris à l’Atla, pour l’excellente guitariste classique Natalia Lipnitskaya (http://www.nataliaguitar.com) que je suis depuis l’an dernier. D’ailleurs, je ne fais pas que du tapping polyphonique, on pourra aussi parler de guitare acoustique dans les prochains mois sur Guitare Live !

Publié dans le magazine N° 8 de Juillet 2005


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