Le tapping et la polyphonie
La musique est un univers où chaque parcours
est différent. Avant d’enseigner la guitare, tu as forgé
ton style sans vraiment chercher d’aide extérieure ?
J’ai travaillé durant plusieurs années dans un secteur
qui n’a rien à voir avec la musique, mais avec la guitare
comme passion. J’ai appris en autodidacte et ce n’est que
tardivement que j’ai concrétisé l’envie de vivre
de la musique. Je me suis véritablement lancé en 1997 en
m’orientant vers le tapping polyphonique, qu’on joue à
deux mains comme un pianiste.
Tu as écrit en 1996 une méthode sur le
sujet, c’est l’un des points qui nous intéresse !
Exact. Les choses se sont faites simplement, en rencontrant le directeur
de la maison d’édition. Personne n’avait réellement
fait de méthode sur cette technique auparavant. A part Stanley
Jordan aux Etats-Unis, mais cela ressemble plus à une master-class.
C’était moins axé sur des exercices. La méthode
en vidéo m’a demandé un an de travail, pour construire
la pédagogie et les exercices. Le tournage a été
rapide. Le plus compliqué, c’était surtout le maquillage
pour bien passer à la caméra (rires) !
Guitare Live a proposé deux cours sur le tapping
à deux mains. Une technique pas évidente, d’autant
qu’on ne voit pas bien les doigts quand on est debout.
Oui. Il faut apprendre à jouer sans trop regarder ses mains et
s’habituer à sentir la position naturellement sous les doigts.
Tu as des astuces pour ça ?
Pas vraiment. C’est une affaire de temps et de travail. Il faut
entendre une phrase et l’imaginer sur le manche, puis la jouer avec
la meilleure justesse rythmique. Ne pas tricher et trouver la mise en
place qui correspond vraiment au rendu qu’on désire.
Qu’est ce qui t’a amené à
faire cette méthode, qu’est-ce qui manquait selon toi ?
Je voulais montrer le plus d’exercices et de pistes possibles. Celle
de Steve Lynch n’est pas vraiment axée sur la pédagogie.
Donner un panorama de tout ce que permet le tapping. J’ai essayé
de faire d’abord travailler la main gauche seule. C’est finalement
assez rare quand on regarde les guitaristes, contrairement au classique
où des morceaux joués essentiellement à la main gauche
existent, chez des élèves de Tarrega (Miguel Liobet) par
exemple. Puis ensuite le travail de la main droite toute seule. Cela permet
de développer la force et la souplesse des doigts de chaque main.
Ensuite, j’ai cherché à présenter l’aspect
polyphonique en montrant l’interaction des deux mains, d’une
façon rudimentaire pour commencer. Puis en ajoutant des exercices
de plus en plus compliqués, mais toujours très musicaux.
Comment as-tu procédé à l’époque
? Une façon de trouver des exercices, c’est de prendre des
petites mélodies simples et les jouer sur une seule corde…
Oui, c’est intéressant pour l’improvisation. Regarde
ce que fait Pat Metheny : il considère la guitare comme un instrument
où chaque corde serait un instrument. La première corde
aigue est un instrument, la seconde un autre…Il a travaillé
l’improvisation sur une corde, puis reprenait le même thème
en le jouant cette fois sur deux cordes. Puis sur trois cordes, quatre
cordes. J’essaie de développer ce côté, j’ai
toujours l’envie de progresser. Comme si je n’étais
encore qu’au début ! Même à la fin de ma vie,
je me dirai certainement qu’il reste pas mal de choses à
découvrir à la guitare.
Ta vidéo date de 1996 et ne semble pas disponible
en DVD. As-tu des regrets sur tes choix à l’époque
? Que changerais-tu aujourd’hui ?
Le rythme ! A cette époque, je ne lisais pas trop le solfège.
Depuis, j’ai développé plusieurs approches. Je suis
allé un peu plus loin en tapping monophonique, qu’on retrouve
souvent en hard-rock mais que je développe en son clair, sans distorsion,
avec des sauts de main. J’ai un jeu se rapprochant un peu de TJ
Helmerich, comparse du guitariste Bret Garsed.
Quels sont les morceaux de référence
du tapping pour toi ?
Evidemment, il y a eu Eruption de Van Halen, et les solos en tapping qui
ont émergé ensuite. J’ai découvert le jeu polyphonique
en Espagne, à Barcelone grâce à Stanley Jordan. Ses
deux premiers albums « Magic touch » et « Standard »
sont une référence. J’adore aussi des guitaristes
comme Steve Vai, Greg Howe, Joe Satriani avec des morceaux en son clair
comme « Day at the beach » ou « Midnight », qui
n’est pas un morceau compliqué, mais très musical.
C’est un morceau que beaucoup prennent en référence…
Oui, c’est peut-être le « Jeux interdits » du
guitariste qui veut apprendre le tapping à deux mains…en
tout cas du côté hard-rock. Mais attention, il n’est
pas si facile qu’on croit. C’est un morceau qui demande du
travail, la partition n’indique pas toutes les nuances. J’ai
entendu plusieurs fois des guitaristes qui pensaient le jouer correctement,
et qui passaient à côté du vrai morceau !
Tu prépares un album ?
Oui, je travaille dessus. J’ai 38 ans et ça n’est pas
trop tard pour un premier album (rires). Ca a toujours été
un rêve. Je travaille actuellement avec Patrick Abrial, le père
de Thibaut. Je l’ai rencontré il y a pas mal d’années
à l’occasion de l’album Guitar Attitudes (ndr : dans
lequel Thibaut joue une excellente reprise du thème de Mission
Impossible) qui a été mon premier véritable enregistrement.
Je jouais une valse de Chopin opus 69 n°1 en tapping polyphonique.
Cela remonte aux années 90, comment t’es-tu
retrouvé dans cet album ? Une galette mémorable avec une
belle brochette d’excellents guitaristes…
Dans le métro, j’ai rencontré Mathias Desmiers la
guitare dans le dos, et on a parlé musique. Son ami Thibaut en
a eu l’écho et m’a appelé un jour au téléphone,
curieux du fait que je jouais en tapping polyphonique. Il m’a demandé
une démo pour éventuellement participer à l’album,
et je me suis retrouvé dans l’aventure. Entre le concert
au Bataclan, les interviews sur France Inter ou ailleurs, j’en garde
de bons souvenirs.
Et depuis ?
J’ai consacré beaucoup de temps au travail de l’instrument,
à la mise en place. Depuis quelques années, je donne des
cours de guitare classique et hard-rock dans une école associative
à Rueil-Malmaison en région parisienne. Je me suis aussi
consacré au management artistique. Des projets sont en cours, notamment
la réalisation d’un album aux côtés de Pierre
Chaze pour la production, qui enseigne à Paris à l’Atla,
pour l’excellente guitariste classique Natalia Lipnitskaya (http://www.nataliaguitar.com)
que je suis depuis l’an dernier. D’ailleurs, je ne fais pas
que du tapping polyphonique, on pourra aussi parler de guitare acoustique
dans les prochains mois sur Guitare Live !
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