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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 37Roland Dyens et le luthier

Roland Dyens et le luthier

Rencontre

Roland Dyens, on écoute ses disques, on joue ses partitions, on entend beaucoup parler de lui, on lit beaucoup de choses à son sujet… mais c’est l’entendre in natura qu’il faut. Alors, au moment d’écrire un article de plus, je choisis de vous laisser trouver la biographie que chacun connaît (sur son site officiel par exemple), et de, simplement, vous entraîner avec moi à la rencontre d’un homme complètement charmant et profondément généreux, pour un long entretien très intimiste. Et très exceptionnel.

André Stern : Comment en êtes-vous venu à la guitare ?

Roland Dyens : D’une façon presque triviale ; ni par le biais de Segovia, ni par celui de Bream, mais plutôt par celui des chanteurs de Variétés, ou du Jazz… les racines populaires de l’instrument…

Mon plus ancien souvenir guitaristique est lié à la chanteuse Marie-José Neuville, presque oubliée de nos jours, mais bombe dans les années 58-60. On la nommait la "collégienne de la chanson", elle s’accompagnait d’une guitare, elle ne jouait que trois accords, mais cela suffisait à m’enchanter. Et puis, par ailleurs, le côté social de la guitare, le côté "cercle", touchait ma sensibilité la plus profonde.

La vraie rencontre entre la guitare et moi est partie d’une tocade, en colonie de vacances. J’avais environ neuf ans, j’aimais si jalousement la guitare, le moniteur interprétait si affreusement ses trois chansons d’Hughes Aufray que j’ai eu le culot d’annoncer que je jouais de la guitare – alors que c’était totalement faux !

Bien évidemment, tout le monde à insisté pour que je joue quelque chose… J’ai été obligé de prendre la guitare, et tout le monde s’est bien moqué de moi…

C’est ainsi que j’ai demandé à acheter une guitare, et mes parents furent immédiatement d’accord. Je n’ai jamais eu à subir le moindre frein parental à la vie d’artiste.

J’ai commencé avec un professeur particulier "à l’ancienne" (dans le bon sens du terme), un vieux monsieur du 19ème siècle, une espèce d’aristocrate qui me vouvoyait. Il était fier de moi et passait une heure à vanter mes talents lorsque mes parents venaient me chercher…

Ensuite, je suis entré dans un conservatoire de banlieue… et là… ça s’est mal passé. Je suis tombé sur de semi-escrocs et des professeurs qui n’avaient de guitare que le nom. Ils étaient violonistes, mais comme il n’y avait rien, à l’époque, en guitare, eh bien on leur octroyait d’office ce poste, sous prétexte que la guitare a des cordes comme le violon !

Je me souviens d’une femme aux ongles longs et vernis… J ’avais déjà mon libre arbitre et je trouvais monstrueux les sons qu’elle produisait.

Ma mère est intervenue de façon drastique : elle a écrit directement à Robert Vidal ! C’est son épouse qui a répondu, disant que ce qu’il y avait de mieux, c’était de m’orienter vers l’École Normale de Musique de Paris, et d’entrer dans la classe d’Alberto Ponce (NDR : élève d’Emilio Pujol, lui-même élève de l’immense Francesco Tarrega, voir mon article "L’histoire de la guitare", Guitare Live N° 10) Et voilà comment, vers 13-14 ans, je suis entré à l’École Normale. Vous connaissez la suite.

Publié dans le magazine N° 37 de Mars 2008


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