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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 23Jimi Hendrix et Eric Clapton, entre amitié et rivalité

Jimi Hendrix et Eric Clapton, entre amitié et rivalité

Jimi Hendrix et Eric Clapton, entre amitié et rivalité

Jimi Hendrix a montré la voie à des générations de guitaristes. Mais tout n’a pas encore été dit, ni montré ! Et quelque secrets restent à découvrir autour du gaucher légendaire. Yazid Manou, spécialiste du Voodoo Child, nous explique en quoi il a été l’ami et le rival d’un autre dieu de son époque, Eric Clapton.


Jimi Hendrix, toujours d’actualité en 2007

Alors que 2006 touche à sa fin, les vrais fans auront une pensée pour le quarantième anniversaire de l’arrivée du Voodoo Child à Londres et la formation de l’Experience. Les articles les plus sérieux sur ce génie de la guitare foisonnent, mais le désordre continue de régner au niveau discographique (sans parler du juridique). Dans ces deux cas, on n’y comprend plus rien et ça n’est pas étonnant !

Les labels anglais s’en donnent à cœur joie et le porte-monnaie trinque. Attention aux arnaques d’ailleurs : je ne le dirai jamais assez, renseignez-vous rapidement grâce aux forums disponibles sur la toile si vous avez le moindre doute sur un CD ou un DVD. Car certaines sociétés étrangères en profitent pour sortir des choses sans nom. Le DVD The Last Experience étant le pire exemple.

L’année 2007 devrait être un très grand cru hendrixien. Avec un espoir adressé à la sœur adoptive de Jimi, Janie Hendrix, qui, attaquée de toutes parts et notamment par son frère sur les droits qu’elle possède, se défend devant les tribunaux. Quand va-elle enfin mettre sur le marché international (Universal Music) le produit phare ?! Elle ne pourra pas rester muette à l’aube du quarantième anniversaire du premier album, sans parler du Festival de Monterey qu’on ne présente plus.

Le légendaire ingénieur du son, Eddie Kramer, serait dans la préparation de la sortie DVD du magnifique concert de Londres au Royal Albert Hall le 24 février 1969 : dernier show de l’Experience en Angleterre.

Certains s’exclameront qu’ils connaissent les images (pirates) depuis belle lurette et qu’il n’est plus très difficile maintenant de se le procurer. Mais je maintiens que cet extraordinaire document se doit enfin d’être disponible au grand public dans une version de grande qualité. Et sans les effets spéciaux qui sabotent exprès « Little Wing » et « Voodoo Child (slight return) » sur toutes les copies en circulation !

Nous sommes donc dans l’attente. Rien ne filtre pour l’instant. Mais la France ne sera pas en reste. Car des petits évènements se concoctent discrètement pour le printemps. N’oublions pas qu’après « Purple Haze » l’an dernier, ce seront pas moins de cinq titres qui seront proposés au baccalauréat 2007 (spécialité musique, option facultative toutes séries) : « Purple Haze », « Hey Joe », « All Along The Watchtower », « Voodoo Child (slight return) » et « If 6 Was 9 » : c’est ce qu’on appelle communément l’exception française !

Jimi et Eric : entre amitié et rivalité

Jimi Hendrix a eu une histoire particulière avec les Stones, les Who et notre Johnny Hallyday bien sûr. Mais celle concernant Eric Clapton est très spéciale et se prolonge aujourd’hui, même après sa mort. Pourquoi ?

J’ai toujours trouvé le cas de Jimi Hendrix et Eric Clapton terriblement intéressant, paradoxal et unique. Mettez-vous à la place de Clapton : sa situation est pour le moins assez étrange et cocasse.

Le bluesman blanc est sans commune mesure le guitariste vivant le plus célèbre de la planète. Mais il est resté en « compétition » constante avec son demi-frère black disparu il y a maintenant trente six ans.

Ce frangin plus qu’ « encombrant » est devenu son ombre. Une légende dont l’aura ne cesse de croître, du fait d’un départ prématuré. Un bon héros étant un héros mort.

Que pense Eric Clapton très intérieurement, lui qui ne montre rien, de tous les hommages à répétition auxquels il participe parfois ? De la quantité astronomique des unes de magazines de guitares, d’expos photos, d’émissions de télé, radio ? Clapton a connu tous les honneurs, et malheurs aussi il ne faut pas l’oublier, mais l’histoire n’en a pas fait une icône aussi forte que Hendrix. Et je suis content de l’opportunité que m’offre Guitare Live de pouvoir m’exprimer sur ce sujet.

En 1966, Jimi était parfaitement conscient de la qualité de son jeu. Bien entendu, il fallait à tout prix que cela se sache. Alors quel meilleur (et rapide) moyen que d’aller directement défier « God » sur ses propres terres, en Angleterre ? Il n’oubliait pas les autres guitaristes aussi, mais le dieu à l’époque, c’était surtout Clapton !

Quand son futur manager, l’ex-Animal Chas Chandler lui fit part durant cet été de l’idée d’aller à Londres, Jimi lui demanda ce qu’il avait en tête vu que l’Angleterre avait déjà Eric et Jeff ! Et puis finalement il se ravisa. Si Chas pouvait lui présenter Clapton, alors il partirait.

Jimi arrive à Londres fin septembre. Le samedi 1er octobre 1966, au Regent Polytechnic, Jimi jubile en exécutant devant le public de Cream sa version de « Killing Floor » qui laissa Eric abasourdi et dévasté. Il n’existe malheureusement aucun d’enregistrement mais le premier morceau joué l’année d’après à Monterey nous donne un bel aperçu !

Mettez-vous à la place de l’inconnu surdoué qui a galéré aux States pendant quatre ans, maintes fois rejeté, mal considéré. Comme par enchantement, il se retrouve sur une scène anglaise avec celui qu’on surnommait « God »…

Instantanément, une forte amitié allait naître entre les deux artistes, malgré une rivalité évidente. Il y eut plusieurs autres rencontres par la suite, souvent au Speakeasy à Londres ainsi que, entre autres, dans les divers clubs de la capitale, sans parler des jams qu’ils affectionnaient. Un exemple historique ? Le boeuf réunissant le bluesman John Hammond Jr, Eric et Jimi au Gaslight Café à New York fin juillet 1967.

Il existe un enregistrement d’une conversation à bâtons rompus entre les deux géants. L’endroit est bruyant, le son pas toujours très distinct. Le sujet principal est la musique, on s’en doute. On y entend beaucoup de rires, de bruits de verres. C’est un étonnant document, un moment d’amitié qui j’espère verra le jour avant 2050 avec une retranscription obligatoire.

Nous connaissons mieux ce moment de télévision fantastique le 4 janvier 1969 pendant la prestation en direct de l’Experience au « Happening For Lulu » (BBC). Jimi interrompt un « Hey Joe » qui le gonfle. Il enchaîne immédiatement sur « The Sunshine Of Your Love » avec une dédicace aux trois membres de Cream dont il venait d’apprendre la dissolution.

Plus tard, il y eut ce soir de septembre 1970. Eric vient avec en cadeau pour son pote, une Strat’ pour gaucher. Mais celui-ci ne sera pas au rendez. Il disparaîtra deux jours après. Depuis, Eric est seul. Il est probablement l’artiste qui aura joué le plus au mythique Royal Albert Hall. Mais une seule date, lors du dernier show ce 24 février 1969, aura suffi pour que Jimi Hendrix monte sur la plus haute marche !


Yazid « Jimi’s Back » Manou

Publié dans le magazine N° 23 de Décembre 2006


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