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Guitare LiveMagazineGuitare Live N° 26The John Butler Trio, la guitare activiste

The John Butler Trio, la guitare activiste

The John Butler Trio

Placé sous le signe du groove, le nouvel album de The John Butler Trio, Grand National, va asseoir un peu plus clairement la popularité des Australiens en France, l'un des pays où ils cartonnent le plus. Dirigé par un guitariste au feeling hors pair et aux ongles plus longs que nature, ce trio mélange rock, funk et reggae entre tradition et modernité dans une avalanche de mélodies positives et de messages politiques. On revient sur ce groupe complexe avec son leader, John Butler.
Propos recueillis par Nicolas Didier Barriac

J’ai lu que tu avais découvert la guitare avec l’instrument de ton grand-père et que tu y restes très attaché. C'est exact ?
John Butler : Tout à fait. Mon grand-père est mort en 1956 en ayant eu huit enfants. Ma grand-mère avait dit que le premier enfant qui apprendrait la guitare recevrait sa slide guitare. Mais aucun enfant ne s’y est mis. De mon côté, à seize ans, j’ai décidé de m’y mettre. Ce n’était même pas pour obtenir la guitare mais simplement que l’instrument m’intriguait. Toujours est-il que ma grand-mère me donna la slide guitare. Pourtant je ne m’y suis mis que vers vingt ans car elle est extrêmement dure à jouer. Elle est très vieille et abimée – je l’ai quelque peu réparé toutefois - mais pourtant j’y suis attaché. Je considère cela comme un honneur de l’avoir.

Est-ce que tu définirais The John Butler Trio comme un groupe engagé ou est-ce que c’est un peu excessif comme étiquette ?
J.B. : C’est peut-être un peu réducteur mais pas faux. Je trouve que nous sommes un groupe universel de par notre son et nos paroles. Il est vrai que nous parlons de la politique et de ce qu’il se passe dans le monde. Les événements actuels sont provoqués par des raisons politiques, certes, mais également humaines. Et je suis souvent très intéressé par l’aspect humain des choses. L’air pur, l’eau potable, la liberté, la paix et l’égalité sont des choses auxquelles nous avons tous droit. J’aime donc écrire sur la condition humaine.

Tu prends souvent la parole sur scène entre vos morceaux pour exprimer des opinions politiques…
J.B. : Quand on a la chance d’avoir des centaines de gens qui n’écoutent que ce qu’on a à dire, je crois qu’on a une responsabilité envers eux. On n’est pas obligé de dire quelque chose mais si j’ai un truc à faire passer, je ne vois pas pourquoi je m’en priverais. Mais je parle aussi au public de manière plus traditionnelle, en expliquant simplement le thème de la chanson qui va suivre.

Néanmoins la plupart des sujets qui te tiennent à cœur évoluent rarement dans le bon sens. Tu n’as pas l’impression de donner des coups d’épée dans l’eau sur les problèmes écologiques, par exemple ?
J.B. : (il réfléchit) L’évolution est lente. La planète telle que nous la connaissons aujourd’hui a mis des milliards d’années pour se former. Grand National se focalise aussi énormément sur l’aspect positif de ce que l’Homme peut réaliser. Le monde est inondé de sentiments négatifs et par la peur, mais il y a plein de choses positives qui s’y déroulent, de la France à l’Australie en passant par l’Afrique du Sud. Il y a une prise de conscience du réchauffement climatique et de la mise à mal des droits de l’Homme. C’est un processus assez long, qui revient parfois sur ses pas, mais qui tend vers le positif.

A quel âge as-tu pris conscience de tout cela, as-tu toujours voulu être un activiste ?
J.B. : Oui, je suis né comme cela. Jusqu’à treize ans je voulais être dans l’armée ! Je voulais éliminer les gens mauvais de cette planète (rires). Après j’ai compris que la moitié de l’armée était composée de gens mauvais (rires). Je n’aime pas ne rien faire et accepter les choses sans essayer de corriger les erreurs commises. Quand quelque chose vous révolte, il faut se mobiliser contre !

Avec Sunrise Over Sea, le groupe a connu un succès-surprise ici en France. On vous a beaucoup comparé à Ben Harper et aux Red Hot Chili Peppers. Tu trouves cela juste ou réducteur ?
J.B. : Je peux tout à fait comprendre cette comparaison. Nous jouons un rock / funk acoustique semblable à celui popularisé par Ben Harper. Lui et moi avons exactement les mêmes influences musicales. Quant aux Red Hot Chili Peppers, je trouve cela juste également. Le chant « rythmique » est comparable. J’adore le hip hop et j’apprécie toujours de chanter de manière syncopée.

Pour le moment, Ocean est sûrement le morceau le plus emblématique de ton répertoire. Cet instrumental, très technique, évolue au fil des années. A quoi est-ce dû ?
J.B. : Ocean représente mon évolution. L’interprétation, la longueur et même les mélodies de cette chanson changent suivant ce que je deviens. C’est un des premiers morceaux instrumentaux que j’ai écrits de ma vie et il m’a permis de vendre un bon paquet de cassettes à l’époque (rires). Impossible de me débarasser de ce titre, il me colle à la peau et je pense même qu’il me définit d’une certaine manière. Il renvoie aussi à mes origines celtiques dont je ne connais presque rien.

The John Butler Trio réunit beaucoup d’influences au sein du même groupe. Si un jour vous organisiez votre propre festival, quels genres de groupes pourrait-on s’attendre à voir sur l’affiche ?
J.B. : Je pense qu’il y aurait déjà pas mal de groupes de gitans. Ca, c’est pour faire plaisir à Shannon ! Michael, pour sa part, aimerait faire revivre Serge Gainsbourg (rires). Quant à moi, il me faudrait beaucoup de reggae, de hip hop et aussi Blue King Brown. Je pense qu’il s’agirait d’un festival éclectique. C’est marrant que tu me parles de ça car je pense souvent à organiser un grand concert gratuit qui mettrait en évidence certains problèmes dans le monde actuel, un peu dans le style de Wave Aid ou Make Poverty History. En ce moment, le problème qui me tient le plus à cœur est le débat nucléaire. Je suis contre : ce n’est pas la bonne solution pour le changement climatique.

Est-ce que tu préfères la scène ou le travail en studio ?
J.B. : Ce que je préfère par-dessus tout est jouer. Que ce soit en studio ou sur scène, peu importe. Le groupe passe nettement plus de temps à jouer sur scène qu’en studio mais j’adore essayer de recréer l’énergie de nos prestations live sur un disque studio. De plus, sur un album il est possible d’explorer des pistes que la scène ne permet pas. Par exemple, inclure un chœur de quinze personnes, six couches de percussion ou une section de cuivres. J’aimerai pouvoir avoir cela sur scène également mais en même temps, je ne crois que ça me plairait de jouer avec un groupe de quinze personnes (rires). Tous les albums studio sont une invitation aux fans à venir nous voir sur scène, et je suis toujours heureux de rencontrer le public en chair et en os, partout où nous nous produisons.

Jarrah Records - Warner
Le site du John Butler Trio :
http://www.johnbutlertrio.com/

Publié dans le magazine N° 26 de Mars 2007


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